Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/69

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du Tchakar approchaient, ont été effrayés et ont demandé la paix. Le Saint-Maître, dans son immense miséricorde, la leur a accordée, et alors nous sommes revenus dans nos prairies veiller à la garde de nos troupeaux.

Le récit de cette illustre épée était pour nous palpitant d'intérêt. Nous oubliâmes pendant quelque temps la misère de notre position au milieu du désert. Nous eussions vivement désiré recueillir encore quelques détails sur l'expédition des Anglais contre la Chine ; mais la nuit commençant à tomber, les deux Tartares reprirent la route de leurs ïourtes.

Quand nous fûmes seuls, nos pensées devinrent tristes et sombres. Ce n'était qu'en frémissant que nous songions à cette longue nuit qui commençait à peine. Comment prendre un peu de repos ? L'intérieur de la tente était comme un bourbier. Le grand feu que nous avions fait pendant longtemps, n'avait pu sécher les habits que nous portions. Il avait seulement suffi pour vaporiser une partie de l'eau dont ils étaient imbibés. La fourrure que nous déroulions la nuit sur la terre, afin de nous préserver de l'humidité pendant le sommeil, était dans un état affreux ; elle ressemblait à la peau d'un animal noyé. Dans cette triste situation, une pensée pleine d'une douce mélancolie venait pourtant nous consoler. Nous nous disions au fond du cœur, que nous étions les disciples de celui qui a dit : Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête ...

Nous étions tellement fatigués, qu'après avoir veillé pendant la plus grande partie de la nuit, nos forces nous abandonnèrent. Vaincus enfin par le sommeil, nous nous assoupîmes