Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/91

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l'abri du vent, derrière un groupe de rochers ; le lendemain je me réveillai fort tard, et je ne trouvai plus personne au campement ; la caravane était partie ; j'étais abandonné seul dans le désert. A cette époque, je ne savais pas distinguer les quatre points du ciel. Je fus donc obligé d'errer longtemps au hasard, jusqu'à ce que j'eusse rencontré une station tartare. J'ai vécu ainsi pendant trois ans, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, payant de quelques légers services ceux qui me donnaient l'hospitalité. Enfin j'arrivai à Péking. Je me présentai aussitôt à la grande lamaserie de Hoang-Sse, uniquement composée de Lamas Dchiahours et Thibétains. J'y fus facilement reçu ; et mes compatriotes s'étant cotisés pour m'acheter «ne écharpe rouge et un grand bonnet jaune, je pus assister au chœur à la récitation des prières, et avoir ainsi part aux distributions des aumônes. — A ce mot de récitation de prières, nous demandâmes à Samdadchiemba comment il pouvait assister au chœur, puisqu'il n'avait appris ni à lire ni à prier. — La chose était fort aisée, reprit-il ; un de mes amis m'avait prêté son livre. Je le tenais sur mes genoux, et en bourdonnant entre mes lèvres, j'essayais d'imiter le ton de mes voisins ; quand les autres tournaient un feuillet, j'en faisais autant. Ainsi il était difficile que le président du chœur s'aperçût de ma tricherie.

« A ce sujet, il m'arriva une affaire assez grave, qui faillit me faire chasser de la lamaserie. Un méchant Lama, qui avait remarqué la manière dont je récitais les prières, aimait beaucoup à s'en moquer et à faire rire les autres à mes dépens. Quand la mère de l'Empereur mourut, nous