Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

toute forme. A une certaine distance du corps-de-garde, on voit à droite une tour carrée, et à gauche cinq petites bornes disposées sur une même ligne : elles désignent les cinq lis qui sont la distance d'un corps-de-garde à un autre. Souvent un large écriteau élevé sur deux perches indique au voyageur le nom des villes les plus rapprochées qui se trouvent sur la route. L'écriteau que nous avions sous les yeux était ainsi conçu :

De Ping-Lou Hien à Ning-Hia, cinquante lis.
Au nord jusqu'à Ping-Lou-Hien, cinq lis.
Au sud jusqu'à Ning-Hia, quarante-cinq lis.

En temps de guerre, la tour carrée sert, pendant la nuit, à faire des signaux au moyen de feux combinés, selon certaines règles. Les Chinois rapportent qu'un empereur (1)[1], cédant aux folles sollicitations de son épouse, ordonna, pendant la nuit, de faire les signaux d'alarme. L'impératrice voulait se divertir aux dépens des soldats, et vérifier en même temps si ces feux étaient bien propres à appeler les troupes au secours de la capitale. A mesure que les signaux parvinrent dans les provinces, les gouverneurs firent immédiatement partir les Mandarins militaires pour Péking ; mais apprenant à leur arrivée que ces alarmes n'étaient qu'un amusement, un pur caprice de femme, ils s'en retournèrent pleins d'indignation. Peu de temps après, les Tartares firent une irruption dans l'empire, et s'avancèrent avec rapidité jusque sous les murs de la capitale. Pour cette fois l'Empereur fit sérieusement allumer les feux pour demander des secours ; mais dans les provinces personne

  1. (1) Yeou-Wang, treizième empereur de la dynastie des Tcheou, 780 ans avant Jésus-Christ.