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Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/201

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levait, le feu s'allumait dans toutes les tentes, et pendant que les uns chargeaient les bêtes de somme, les autres faisaient bouillir la marmite et préparaient le thé beurré ; on en buvait à la hâte quelques écuellées, on dévorait quelques poignées de tsamba, et puis on jetait la tente à bas. Un second coup de canon donnait le signal du départ. Quelques cavaliers expérimentés et chargés de diriger la caravane, se mettaient en tête ; ils étaient suivis par les longues files de chameaux, puis venaient les bœufs à long poil, qui s'avançaient par troupes de deux ou trois cents, sous la conduite de plusieurs lakto. Les cavaliers n'avaient pas de place fixe ; ils allaient et venaient dans tous les sens, uniquement guidés par leur caprice. Les cris plaintifs des chameaux, les grognements des bœufs à long poil, les hennissements des chevaux, les clameurs et les chansons bruyantes des voyageurs, les sifflements aigus que faisaient entendre les lakto pour animer les bêtes de somme, et par-dessus tout les cloches innombrables qui étaient suspendues au cou des yak et des chameaux ; tout cela produisait un concert immense, indéfinissable, et qui, bien loin de fatiguer, semblait, au contraire, donner à tout le monde du courage et de l'énergie.

La caravane s'en allait ainsi à travers le désert par troupes et par pelotons, s'arrêtant tous les jours dans les plaines, dans les vallées, aux flancs des montagnes, et improvisant avec ses tentes si nombreuses, et si variées de forme, et de couleur, des villes et des villages, qui s'évanouissaient le lendemain, pour reparaître un instant après sur un plan toujours nouveau. Quel étonnement pour ces vastes et silencieux déserts, de se voir à tout coup traversés