Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/235

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pour tempérer un peu la froidure de l'atmosphère. Cependant, l'air excessivement raréfié, à cette hauteur considérable, était d'une vivacité extrême. Des aigles monstrueux suivaient la grande troupe des voyageurs, qui leur laissait tous les jours un certain nombre de cadavres. Il était écrit que la petite caravane des Missionnaires français devait, elle aussi, payer son tribut à la mort qui se contenta de notre petit mulet noir. Nous le lui abandonnâmes tout à la fois avec regret et résignation. Les tristes prophéties qui avaient été faites au sujet de M. Gabet, se trouvèrent avoir menti. Ces redoutables montagnes lui furent au contraire très-favorables. Elles lui rendirent peu à peu la santé et ses forces premières. Ce bienfait, presque inespéré de la divine Providence, nous fit oublier toutes nos misères passées. Nous reprîmes un nouveau courage, et nous espérâmes fermement que le bon Dieu nous permettrait d'arriver au terme de notre voyage.

La descente du Tant-La fut longue, brusque et rapide. Durant quatre jours entiers, nous allâmes comme par un gigantesque escalier, dont chaque marche était formée d'une montagne. Quand nous fûmes arrivés au bas, nous rencontrâmes des sources d'eau thermale, d'une extrême magnificence. On voyait, parmi d'énormes rochers, un grand nombre de réservoirs creusés par la nature, où l'eau bouillonnait comme dans de grandes chaudières placées sur un feu très-actif. Quelquefois, elle s'échappait à travers les fissures des rochers, et s'élançait dans toutes les directions par une foule de petits jets bizarres et capricieux. Sauvent l'ébullition devenait tout à coup si violente, au milieu de certains réservoirs, que de grandes colonnes