Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/297

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rien ; si ce n'est ces deux vieilles selles de cheval dont nous n'avons plus besoin. — Bon, bon ! c'est précisément ce qu'il me faut ; j'ai besoin de selles ;... et tout en examinant notre pauvre marchandise, il nous adresse mille questions sur notre pays et sur les lieux que nous avons visités avant d'arriver à Lha-Ssa ... Bientôt arrive un deuxième Chinois, puis un troisième, puis enfin deux Lamas enveloppés de magnifiques écharpes de soie. Tous ces visiteurs veulent nous acheter quelque chose ; ils nous accablent de questions, et paraissent en même temps scruter avec inquiétude tous les recoins de notre chambre. Nous avons beau dire que nous ne sommes pas marchands, ils insistent ... A défaut de soieries, de draperies ou de quincailleries, ils s'accommoderont volontiers de nos selles ; ils les tournent et les retournent dans tous les sens ; ils les trouvent tantôt magnifiques et tantôt abominables ; enfin, après de longues tergiversations, ils partent en nous promettant de revenir.

La visite de ces cinq individus était faite pour nous donner à penser : leur façon d'agir et de parler n'avait rien de naturel. Quoique venus les uns après les autres, ils paraissaient s'entendre parfaitement, et marcher de concert vers un même but. Leur envie de nous acheter quelque chose, n'était évidemment qu'un prétexte pour déguiser leurs intentions : ces gens étaient plutôt des escrocs ou des moucharda, que de véritables marchands. — Attendons, dîmes-nous ; demeurons en paix ; plus tard, peut-être, nous verrons clair dans cette affaire.

L'heure de diner étant venue, nous nous mimes à table, ou plutôt nous demeurâmes accroupis à côté de notre foyer, et nous découvrîmes la marmite, où bouillait depuis quelques