Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/301

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y avait beaucoup de bonté. —Ah ! oui, vous trouvez que j'ai de la bonté ? Cependant, je suis très méchant. N'est-ce pas que je suis très-méchant ? demanda-t-il à ses gens. — Ceux-ci se mirent à sourire, et ne répondirent pas. — Vous avez raison, continua le Régent, je suis bon, car la bonté est le devoir d'un Kalon. Je dois être bon envers mon peuple, et aussi envers les étrangers ... Puis il nous fit un long discours auquel nous ne comprîmes que fort peu de chose. Quand il eut fini, nous lui dîmes que, n'ayant pas assez d'habitude de la langue thibétaine, nous n'avions pas entièrement pénétré le sens de ses paroles. Le Régent fit signe à un Chinois, qui avança d'un pas et nous traduisit sa harangue, dont voici le résumé : — On nous avait fait appeler, sans avoir la moindre intention de nous molester. Les bruits contradictoires, qui, depuis notre arrivée à Lha-Ssa, circulaient sur notre compte, avaient déterminé le Régent à nous interroger lui-même, pour savoir d'où nous étions. — Nous sommes du ciel d'occident, dîmes-nous au Régent. — De Calcutta ? — Non, notre pays s'appelle la France. —Vous êtes, sans doute, du Péling ? — Non, nous sommes Français. — Savez-vous écrire ? — Mieux que parler ... Le Régent se détourna, adressa quelques mots à un Lama qui disparut, et revint un instant après avec du papier, de l'encre et un poinçon en bambou. — Voilà du papier, nous dit le Régent ; écrivez quelque chose. — Dans quelle langue ? en thibétain ? — Non, écrivez des caractères de votre pays. — L'un de nous prit le papier sur ses genoux, et écrivit celle sentence : Que sert à l'homme de conquérir le monde entier, s'il vient à perdre son âme ? — Ah, voilà des caractères de voire pays ! je n'en avais jamais vu de semblables ; et quoi