Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/368

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personne n'entende ce que j'ai à te dire ; tu vas juger si nous sommes des hommes dangereux, nous qui craignons même de nuire à nos persécuteurs. — Ki-Chan était pâle et décontenancé. — Voyons, dit-il, explique-toi ; que tes paroles soient blanches et claires : que veux-tu dire ? — Dans ton rapport, il y a une chose inexacte ; tu me fais partir de Macao avec mon frère Joseph Gabet, pourtant je ne suis entré en Chine que quatre ans après lui. — Oh ! si ce n'est que cela, c'est facile à corriger. — Oui, très-facile ; ce rapport, dis-tu, est pour l'Empereur, n'est-ce pas ? — Certainement. — Dans ce cas, il faut dire à l'Empereur la vérité et toute la vérité. — Oui, oui, toute la vérité ; corrigeons le rapport ... A quelle époque es-tu entré en Chine ? — Dans la vingtième année de Tao-Kouang (1840)... Ki-Chan prit son pinceau et écrivit à la marge : vingtième année de Tao-Kouang — Quelle lune ? — Deuxième lune. — Ki-Chan, entendant parler de la deuxième lune, posa son pinceau et nous regarda fixement. — Oui, je suis entré dans l'empire chinois la vingtième année de Tao-Kouang, dans la deuxième lune ; j'ai traversé la province de Canton, dont tu étais à cette époque le vice-roi ... Pourquoi n'écris-tu pas ? est-ce qu'il ne faut pas dire toute la vérité à l'Empereur ? — La figure de Ki-Chan se contracta ... Comprends-tu maintenant pourquoi j'ai voulu te parler en secret ? — Oui, je sais que les chrétiens ne sont pas méchants ... Quelqu'un ici connaît-il cette affaire ? — Non, personne. — Ki-Chan prit le rapport et le déchira ; il en composa un nouveau, tout différent du premier ; les dates de notre entrée en Chine n'y étaient pas précisées, et on y lisait un pompeux éloge de notre science et de notre sainteté. Ce pauvre