Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/449

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De Chobando, après deux longues et pénibles journées de marche dans les sinuosités des montagnes, et à travers d'immenses forêts de pins et de houx, on arrive à Kia-Yu-Kiao. Ce village est construit sur les bords escarpés du fleuve Souk-Tchou qui coule entre deux montagnes, et dont les eaux sont larges, profondes et rapides, A notre arrivée, nous trouvâmes les habitants de Kia-Yu-Kiao plongés dans la désolation ; il y avait peu de temps qu'un grand pont de bois, jeté sur le fleuve, s'était écroulé. Deux hommes et trois boeufs, qui se trouvaient dessus au moment de sa chute, avaient péri dans les eaux. Nous pûmes voir encore les débris de ce pont, construit avec de grands troncs d'arbre : le bois entièrement pourri annonçait que le pont était tombé de vétusté. A la vue de ces tristes ruines, nous remerciâmes la Providence de nous avoir retenus pendant trois jours devant la montagne de Tanda. Si nous fussions arrivés à Kia-Yu-Kiao avant la chute du pont, il se serait probablement affaissé sous le poids de la caravane.

Contre notre attente, cet accident n'apporta aucun retard à notre voyage. Le Dhéba du lieu se hâta de faire construire un radeau, et le lendemain nous pûmes, aussitôt que parut le jour, continuer notre route. Les hommes, les bagages et les selles traversèrent le fleuve eu radeau, et les animaux à la nage.

Trente lis après avoir quitté Kia-Yu-Kiao, nous rencontrâmes un pont en bois suspendu sur un affreux précipice. Ayant l'imagination encore pleine du malheur de Kia-Yu-Kiao, nous sentîmes, à la vue de ce passage périlleux, un frisson de terreur courir par tous nos membres. Par précaution, on fit d'abord passer les animaux les uns après les