Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/471

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livrer tranquillement à l'étude des physionomies qui nous entouraient. La plus intéressante à observer était, sans contredit, celle du Pacificateur des royaumes. Il était curieux de voir ce Mandarin chinois, ordinairement si plein de morgue et d'insolence en présence des Thibétains, devenu tout à coup humble et modeste, et attendant avec tremblement l'arrivée d'un homme qu'il croyait fort et puissant.

Enfin, le Grand-Chef parut. Il était à cheval, et escorté de quatre cavaliers d'honneur. Aussitôt que tous eurent mis pied à terre, le Pacificateur des royaumes s'approcha, fit une profonde inclination, et offrit son écharpe à Proul-Tamba. Celui-ci fit signe à un de ses hommes de recevoir l'offrande, et, sans rien dire, il traversa brusquement la cour, et alla droit à la chambre préparée pour la réception, et où nous attendions avec le Lama Dchiamdcbang. Proul-Tamba nous fit une toute petite inclination de tête, et s'assit, sans façon, à la place d'honneur, sur un grand tapis de feutre gris. Ly-Kouo-Ngan se plaça à sa gauche, le Lama Dchiamdchang à droite, et nous sur le devant. Il y avait entre nous cinq une si respectueuse distance, que nous formions comme un grand cercle. Des soldats chinois et une foule de Thibétains se tenaient debout derrière l'assemblée.

Il y eut un moment d'un silence profond. Le Grand-Chef Proul-Tamba était âgé, tout au plus, d'une quarantaine d'années ; il était de taille moyenne ; pour tout vêtement, il portait une grande robe en soie verte, doublée d'une belle fourrure en peau de loup, et serrée aux reins par une ceinture rouge. De grosses bottes en cuir violet, un