Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/479

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à remarquer des traces de la guerre civile qui désolait ces contrées. Le corps de garde chinois, construit en grosses planches de sapin, avait été complètement brûlé. Les nombreux débris à moitié charbonnés, qu'on rencontrait encore ça et là, nous servirent à faire, pendant toute la soirée, un feu magnifique.

Le lendemain, aussitôt que nous nous mîmes en route, nous remarquâmes dans la caravane un singulier changement. Les chevaux et les bœufs étaient bien encore ceux que nous avions pris à Bagoung ; mais tous les conducteurs thibétains avaient disparu, il n'en était pas resté un seul ; des femmes de Wang-Tsa les avaient remplacés. Ayant demandé la cause de cette nouvelle et surprenante organisation — Aujourd'hui, nous répondit le Lama Dchiamdchang, on doit arriver à Gaya ; c'est un village ennemi. Si les hommes y allaient, on ne pourrait s'empêcher de se battre, et les habitants de Gaya s'empareraient des animaux de la caravane. Les oulah étant conduits par des femmes, il n'y a rien à craindre. Des hommes qui auraient la lâcheté de se battre contre des femmes, et de prendre les animaux confiés à leur garder seraient méprisés de tout le monde. Tels sont les usages de ces contrées. — Nous ne fûmes pas peu surpris de rencontrer, parmi ces sauvages montagnes du Thibet, des habitudes et des sentiments si conformes aux mœurs de notre patrie. C'était de la pure chevalerie française. Nous étions donc quelque peu impatients de voir de quelle façon courtoise et galante les dames de Wang-Tsa seraient accueillies par les gentilhommes de Gaya.

Après avoir franchi une grande montagne, couverte de