Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/505

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déjeuner sur les bords de l'eau, quelques cyprès gigantesques disséminés ça et là, la fumée même qui s'élevait des cases thibétaines, et que le vent chassait doucement le long des coteaux voisins, tout contribuait à donner de la vie et du charme à ce tableau. Le ciel, du reste, était pur et serein. Déjà le soleil, ayant fait un peu de chemin au-dessus de l'horizon, nous promettait un beau jour et une douce température.

Nous retournâmes au logis, en continuant à pas lents notre promenade. La caravane était organisée et sur le point de se mettre en route. Les bêtes de somme étaient chargées de leurs fardeaux ; les cavaliers, la robe retroussée et le fouet à la main, étaient prêts à monter à cheval. — Nous sommes en retard, dîmes-nous, pressons le pas ;... et d'une course nous fûmes à notre poste. — Pourquoi vous hâter ? nous dit un soldat chinois ; Ly-Kouo-Ngan n'est pas prêt ; il n'a pas encore ouvert la porte de sa chambre. — Aujourd'hui, répondimes-nous, il n'y a pas de grande montagne ; le temps est beau, rien n'empêche de partir un peu tard ... Cependant, va avertir le Mandarin que la caravane est prête. — Le soldat poussa la porte, et entra dans la chambre de Ly-Kouo-Ngan ; il en ressortit à l'instant, pâle et les yeux hagards. — Ly-Kouo-Ngan est mort ! nous cria-t-il à voix basse ... Nous nous précipitâmes dans la chambre, et nous vîmes l'infortuné Mandarin étendu sur son grabat, la bouche entr'ouverte, les dents serrées, et les yeux crispés par la mort. Nous plaçâmes la main sur son cœur, et sa poitrine se souleva lentement. Il y avait encore un faible reste de vie ; mais tout espoir était perdu. L'agonisant avait tout-à-fait perdu l'usage de ses sens ;