Aller au contenu

Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/506

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il poussa encore quelques râlements, et rendit le dernier soupir. Les humeurs dont ses jambes étaient engorgées, avaient reflué à sa poitrine et l'avaient étouffé.

La mort de notre conducteur n'avait pas été imprévue ; elle n'avait, au fond, rien qui dût nous surprendre ; mais elle était arrivée d'une manière si triste et si pitoyable, que tout le monde en fut bouleversé. Pour nous, en particulier, nous en fûmes attristés au delà de toute expression. Nous regrettâmes amèrement qu'il ne nous ait pas été donné d'assister à sa dernière heure cet infortuné, que nous désirions tant faire passer des ténèbres du paganisme aux clartés de la foi. O que les décrets de Dieu sont impénétrables !... Une pensée d'espérance, pourtant, peut encore se mêler à nos justes motifs de crainte. Puisque cette pauvre âme était suffisamment éclairée des vérités de la religion, il est permis de penser que Dieu, dans son infinie miséricorde, lui aura peut-être accordé, au dernier moment, la grâce du baptême de désir.

Ce jour-là, la caravane ne se mit pas en marche ; les animaux furent dessellés et renvoyés au pâturage ; puis les soldats de l'escorte disposèrent tout ce qui était nécessaire, d'après les rites chinois, pour transporter le corps de leur Mandarin jusque dans sa famille. Nous n'entrerons pas ici dans les détails de tout ce qui fut fait à ce sujet ; parce que ce qui concerne les mœurs, les usages et les cérémonies des Chinois, trouvera sa place ailleurs. Nous dirons seulement que le défunt fut enveloppé dans un grand linceul qui lui avait été donné par le Bouddha-vivant de Djachi-Loumbo. Ce linceul, à fond blanc, était entièrement recouvert de sentences thibétaines et d'images de Bouddha,