Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/8

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Chaque propriétaire arrose ses champs à son tour ; nul ne se permettrait d'ouvrir ses petits canaux, avant que le jour fixé ne fût arrivé.

On rencontre peu de villages ; mais on voit, de toute part, s'élever des fermes plus ou moins grandes, séparées les unes des autres par quelques champs. L'œil n'aperçoit ni bosquets ni jardins d'agrément. A part quelques grands arbres qui entourent les maisons, tout le terrain est consacré à la culture des céréales ; on ne réserve pas même un petit espace pour déposer les gerbes après la moisson. On les amoncelle au-dessus des maisons, qui se terminent toutes en plate-forme. Aux jours d'irrigation générale, le pays donne une idée parfaite de ces fameuses inondations du Nil, dont les descriptions sont devenues si classiques ; les habitants circulent à travers leurs champs, montés sur de petites nacelles, ou sur de légers tombereaux, portés sur des roues énormes (1)[1], et ordinairement traînés par des buffles.

Ces irrigations, si précieuses pour la fécondité de la terre, sont détestables pour les voyageurs ; les chemins sont le plus souvent encombrés d'eau et de vase, au point qu'il est impossible d'y pénétrer ; on est alors obligé de cheminer sur les petites élévations en dos d'âne, qui forment les limites des champs. Quand on a à conduire des chameaux sur des sentiers pareils, c'est le comble de la misère. Nous ne faisions pas un pas sans crainte de voir nos bagages aller s'enfoncer dans la boue ; plus d'une fois des accidents

  1. On voit dans les annales chinoises que même du temps des premières dynasties, cette partie du Kan-Sou était habitée par des Tartares qu'on nommait Kao-Tche ou chariots élevés — 1852.