Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/93

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le feu sous le kang, et disposèrent l'écurie de manière à pouvoir recevoir nos animaux. Quand tout fut terminé, le maître de la maison, d'après les règles de l'hospitalité, dut lui-même nous préparer un régal. Car dans un déménagement, on est censé n'avoir pas le temps de s'occuper de cuisine.

Nous pensons qu'on ne sera pas fâché de trouver ici un petit croquis de notre nouvelle maison, et de faire connaissance avec ses habitants. Immédiatement après la porte d'entrée, on trouvait une cour oblongue, entourée d'écuries commodément distribuées. A gauche de la porte, un corridor étroit conduisait à une seconde cour carrée, dont les quatre faces étaient formées par les cellules des Lamas. Le côté opposé au corridor était la demeure du maître de la maison, nommé Akayé, c'est-à-dire vieux frère. Akayé était un homme âgé de soixante et quelques années, d'une haute taille, mais maigre, sec, et complètement décharné. Sa longue figure n'était plus qu'un assemblage de quelques ossements recouverts d'une peau sèche et ridée. Lorsqu'il n'était pas enveloppé de son écharpe, et qu'il laissait à découvert ses bras noircis par le soleil, on les eût pris pour deux vieux ceps de vigne. Quoiqu'il se tint encore fort droit sur ses jambes, sa démarche était pourtant chancelante. On eût dit qu'une mécanique le mettait en mouvement, et que chaque pas était le résultat d'un coup de piston. Pendant trente-huit ans, Akayé avait été employé dans l'administration temporelle de la lamaserie. Il y avait ramassé une assez bonne fortune ; mais tout s'en était allé en bonnes œuvres, et en prêts qui ne lui avaient jamais été restitués. Actuellement, il était réduit à une