Page:Hugo Œuvres complètes tome 5.djvu/211

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Après un silence.

C’est merveilleux ! Ma fille, ô ma pauvre affligée,
Le voilà donc puni, te voilà donc vengée !
Oh ! que j’avais besoin de son sang ! un peu d’or,
Et je l’ai !
Se penchant avec rage sur le cadavre.
Et je l’ai ! Scélérat ! peux-tu m’entendre encor ?
Ma fille, qui vaut plus que ne vaut ta couronne,
Ma fille, qui n’avait fait de mal à personne,
Tu me l’as enviée et prise ! tu me l’as
Rendue avec la honte, — et le malheur, hélas !
Hé bien ! dis, m’entends-tu ? maintenant, c’est étrange,
Oui, c’est moi qui suis là, qui ris et qui me venge !
Parce que je feignais d’avoir tout oublié,
Tu t’étais endormi ! — Tu croyais donc, pitié !
La colère d’un père aisément édentée ! —
Oh, non! dans cette lutte, entre nous suscitée,
Lutte du faible au fort, le faible est le vainqueur.
Lui qui léchait tes pieds, il te ronge le cœur !
Je te tiens.
Se penchant de plus en plus sur le sac.
Je te tiens.M’entends-tu ? c’est moi, roi gentilhomme,
Moi, ce fou, ce bouffon, moi, cette moitié d’homme,
Cet animal douteux à qui tu disais : chien ! —

Il frappe le cadavre.

C’est que, quand la vengeance est en nous, vois-tu bien ?
Dans le cœur le plus mort il n’est plus rien qui dorme,
Le plus chétif grandit, le plus vil se transforme,