Page:Hugo Œuvres complètes tome 5.djvu/35

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Il nous conteste nos franchises les plus essentielles ; il nous chicane nos facultés les mieux acquises ; il échafaude son arbitraire sur un tas de vieilles lois vermoulues et abrogées ; il s’embusque, pour nous dérober nos droits, dans cette forêt de Bondi des décrets impériaux, à travers lesquels la liberté ne passe jamais sans être dévalisée.

» Je dois vous faire remarquer ici, en passant, messieurs, que je n’entends franchir dans mon langage aucune des convenances parlementaires. Il importe à ma loyauté qu’on sache bien quelle est la portée précise de mes paroles quand j’attaque le gouvernement dont un membre actuel a dit : Le roi règne et ne gouverne pas. Il n’y a pas d’arrière pensée dans ma polémique. Le jour où je croirai devoir me plaindre d’une personne couronnée, je lui adresserai ma plainte à elle-même, je la regarderai en face, et je lui dirai : Sire ! En attendant, c’est à ses conseillers que j’en veux : c’est sur les ministres seulement que tombe ma parole, quoique cela puisse sembler singulier dans un temps où les ministres sont inviolables et les rois responsables.

» Je reprends, et je dis que le gouvernement nous retire petit à petit tout ce que nos quarante ans de révolutions nous avaient acquis de droits et de franchises. Je dis que c’est à la probité des tribunaux de l’arrêter dans cette voie fatale pour lui comme pour nous. Je dis que le pouvoir actuel manque particulièrement de grandeur et de courage dans la manière mesquine dont il fait cette opération hasardeuse que chaque gouvernement, par un aveuglement étrange, tente à son tour, et qui consiste à substituer plus ou moins rapidement l’arbitraire à la constitution, le despotisme à la liberté.

» Bonaparte, quand il fut consul et quand il fut empereur, voulut aussi le despotisme. Mais il fit autrement. Il y entra de front et de plain-pied. Il n’employa aucune des misérables petites précautions avec lesquelles on escamote aujourd’hui une à une toutes nos libertés, les aînées comme les cadettes, celles de 1830 comme celles de 1789. Napoléon ne fut ni sournois ni hypocrite. Napoléon ne nous filouta pas nos droits l’un après l’autre à la