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NOTES DE L’ÉDITEUR.




I

HISTORIQUE DE CHOSES VUES.


Victor Hugo, dès son adolescence, a écrit des Choses vues ; l’une de ses premières poésies, le Rétablissement de la statue d’Henri IV, n’est-elle pas une Chose vue ? Son premier volume d’Odes donne, en vers, le récit des événements contemporains, la Mort du duc de Berry, la Naissance du duc de Bordeaux, etc. ; vers la même époque, nous retrouvons, en prose des Choses vues : le Journal d’un jeune Jacobite de 1819, et plus tard le Journal d’un révolutionnaire de 1830.

Il avait une telle puissance de travail et une telle activité qu’indépendamment des œuvres en cours, il trouvait encore le temps de noter, au fur et à mesure des événements, des incidents, personnels ou non ; comment, par exemple, en 1830, préoccupé des cabales qui troublent les premières représentations d’Hernani, travaillant à Notre-Dame de Paris, préparant les Feuilles d’automne, comment pense-t-il, en rentrant après un dîner chez Joanny, à écrire cette page typique, rude leçon aux critiques contemporains qui, en vingt-quatre heures, formulent un jugement sur une œuvre théâtrale et lui assignent un rang dans la postérité ?

Victor Hugo amasse, sans but déterminé encore, des matériaux : Talleyrand meurt, un détail appris amène tout naturellement le poète à peindre de pied en cap le personnage, condensant une vie entière dans une page ; l’émeute du 12 mai 1839 éclate, il la suit d’heure en heure, tel le plus habile reporter d’un de nos journaux les mieux informés ; c’est à propos de cette émeute qu’il a demandé à Louis-Philippe la grâce de Barbès, fort compromis dans cette affaire[1]. Les Funérailles de Napoléon, qu’on retrouve magnifiées par le lyrisme dans le Retour de l’Empereur, sont décrites ici dans ces « Notes prises sur place » ; pas un détail omis, ni dans la description du cortège, ni dans les impressions de la foule, on croit y assister, on suit le char, on voit le tombeau. Un incident survenu dans la rue et noté à propos lui donnera l’un des plus poignants épisodes des Misérables[2]

Jusqu’en 1843, il n’apparaît pas que Victor Hugo se soit assigné un but, mais des deux lignes qui terminent le récit de son entretien avec Royer-Collard on peut conclure que le poète a eu un moment l’idée de faire un volume d’histoire ; il n’y a cependant là qu’une indication.

Plus décisifs sont les comptes rendus des séances de l’Académie, sans suite pourtant et sur des feuilles volantes ; telle séance, où a été discutée l’élection d’Alfred de Musset, par exemple, a été griffonnée d’une écriture à peine lisible, mais le fait d’avoir préféré Nisard à Alfred de Musset semblait à Victor Hugo assez caractéristique pour le noter.

  1. Les Rayons et les Ombres (À Louis-Philippe).
  2. Origine de Fantine.