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ces croquis, ces indiscrétions, ces impressions,

ce sont les petites épopées d’un quart de siècle, la légende du xixe siècle.

Les choses que Victor Hugo a voulu voir et qu’il nous évoque sont toutes caractéristiques et variées. Le contraste y est permanent. C’est une galerie où chaque toile accrochée a sa valeur et fait saillir en relief la toile voisine. Les morts célèbres, les grands bouleversements politiques, les attentats, les procès mémorables y accompagnent les portraits, les anecdotes, les croquis de la rue, les impressions de la vie mondaine. Victor Hugo, annaliste, même lorsqu’il apparaît familier, presque bonhomme, quand il nous dit simplement ce qu’il a surpris en passant, ce qu’il a entendu dans la foule, ce qu’il a obtenu en questionnant l’égout après avoir interrogé le palais, demeure Victor Hugo épique. Il va, vient, s’arrête, flâne, muse, tournaille, les mains dans les poches, à travers Paris et son siècle, comme dans son appartement ; tout à coup il se dirige vers une fenêtre et l’ouvre : vous croyez qu’elle donne sur quelque jardin ? — elle donne sur l’infini.


L’Indépendance belge.
Gustave Frédérix.

… Ces mémentos, annotations, croquis ayant été mis sur papier par la main de Victor Hugo, sont du reportage où les faits prennent relief et se colorent par la vision et le style de Victor Hugo. C’est du naturalisme, a-t-on déjà dit, et voilà certes des documents comme on en réclame aujourd’hui, des documents pris aux meilleurs moments, où ont été consignées des paroles d’acteurs et de témoins des événements. Seulement celui qui tenait la plume n’est pas un greffier impersonnel ; sa plume comme son encre se reconnaissent entre toutes.

Tant mieux. Si impersonnel, du reste, que soit un greffier, il pèse toujours un peu sur son procès-verbal, dans l’emploi de ce mot-ci au lieu de celui-là, et il y a plusieurs façons d’être exact et précis. Les choses vues par un certain œil sont autres que les mêmes choses vues par un autre œil. C’est tout bénéfice, par conséquent, que toutes les choses vues par Victor Hugo aient l’éclat, l’arête vive que tous les objets prennent sous son regard.

… Les scènes souriantes, les portraits en deux ou trois touches, les anecdotes, les dialogues charmants abondent dans ce livre de notes au crayon où le génie fait des siennes à tout coup. Quelle jolie boutade que celle de Béranger, agacé de sa popularité.

On se laisserait aller à citer bien d’autres pages, des plaisantes, des dramatiques, des scènes de passion, des dialogues, des portraits. Il y a tout un roman de coquetterie cruelle et de câlinerie tendre chez la femme, de souffrance enivrée chez l’amant et qui est intitulé : D’après nature. C’est d’une poésie délicieuse avec la plus hardie réalité. Voilà du naturalisme, avec tous les dehors et toutes les profondeurs de la nature. Les Choses vues par Victor Hugo étonneront, charmeront toutes les sortes de lecteurs, les frivoles et les graves, les femmes et les poètes.


Le Siècle.
Adolphe Michel.

Choses vues. Un nouveau livre de Victor Hugo, un des plus étourdissants de son œuvre immense et, à coup sûr, un des plus inattendus, Victor Hugo chroniqueur, Victor Hugo faisant du « reportage » sur les événements du jour !

Il est vrai que ce reportage est le plus souvent une page magistrale d’histoire. De l’histoire représentée par un puissant coloriste auquel aucun détail n’échappe, et interprétée par un penseur plein de pitié pour les douleurs qu’il rencontre, pour les catastrophes dont il est le témoin.

… On trouve dans ce volume une variété de ton bien faite pour déconcerter ceux qui reprochent parfois à Victor Hugo une certaine monotonie. Il n’y a pas d’esprit qui s’assouplisse aussi aisément que cet incomparable esprit aux sujets qui le sollicitent. À côté du saisissant récit de la mort de Balzac, des funérailles de Napoléon, de la mort du duc d’Orléans, voici des anecdotes on ne peut plus joliment contées sur des gens de théâtre. Voyez, par exemple, le petit souper de Mlle… Zubiri en compagnie d’un peintre « bêta » et de l’auteur ; voyez encore : Un dîner chez M. de