À la Bastille, une foule immense en haillons regardait les canons et les régiments, et chantait d’une seule voix sur l’air étrange des lampions :
Les cosaques
Ou la rouge !
tandis qu’à l’autre bout de Paris j’entendais en sortant de l’Assemblée un
soldat dire à ses camarades bivouaquant autour d’un feu : — Si nous jetions
tout ça dans la Seine ?
En somme y avait-il eu complot ? on ne pouvait le dire. On n’y voyait pas clair. Complot de qui ? du parti montagnard ? pour rétablir la terreur. Ou du parti royaliste ? pour rétablir Henri V. Peut-être des deux à la fois. Dans tous les cas, le complot avorté était nié des deux parts.
Divers symptômes mystérieux annoncèrent la journée du 29 janvier.
Le 28, M. Empis, de l’Académie française, rencontrait dans la rue un riche banquier de Paris, de ses vieux amis. Le banquier l’aborda et lui dit à l’oreille :
— Je suis inquiet.
— Pourquoi ?
— Voici, reprit le banquier. Il y a quelques mois, j’ai rendu un grand service à quelqu’un, à un pauvre diable. Cet homme me dit alors : Monsieur, écoutez, toutes les fois qu’il y aura du danger, je vous avertirai. La veille du 24 juin, un paquet à mon adresse a été déposé chez mon portier. Ce paquet contenait une blouse. Le lendemain l’émeute éclata. Eh bien, hier, je viens encore de recevoir une blouse.
IX
La République est proclamée à Rome. L’Europe s’émeut, la chrétienté s’inquiète. Pourquoi ? c’est que Rome n’appartient pas à Rome, Rome appartient au monde. Grandeur immense, mais qui contient une servitude, comme toute grandeur.
Il y a quelque chose de plus grand pourtant que d’appartenir au monde, c’est de s’appartenir à soi-même. Rome n’est qu’un temple, et veut redevenir