Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/150

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Mercredi (20 février).

Aujourd’hui j’ai travaillé presque toute la journée, chère amie, et je ne crois pas avoir fait rien de bon, tant la journée d’hier me préoccupe tristement quand je la compare à celle-ci. Hier, heureux auprès de toi, aujourd’hui triste et abandonné. Peut-être aussi penses-tu à moi en ce moment, cette idée me console ; je suis absent, mais je ne suis pas oublié, n’est-ce pas, mon Adèle ?

Ce sera avec joie que je te montrerai tout ce que je fais et tout ce que je ferai, bannis toute incertitude à ce sujet ; j’aimerais, pour tout te dire, qu’il n’y eût que toi qui visses tout cela ; mais je sens que c’est à peu près impossible. Je te demande seulement que tu juges ces ouvrages sans consulter personne, car c’est ton jugement seul que je suis empressé de recueillir et qui est d’une extrême importance pour moi. Ensuite, condamne ou approuve selon ton goût, je t’écouterai religieusement, comme on écoute un être d’une nature angélique et supérieure. Quand je te saurai guidée uniquement par ton âme et par ton cœur, comment n’aurais-je pas un profond respect pour les impressions dont tu me rendras compte ? J’ai toujours pensé qu’un homme de lettres ne devait avoir qu’un seul conseiller, ou une femme telle que toi, ou un homme de génie. Pour moi, je pourrais choisir, mais c’est par mon Adèle que j’aime à être jugé sans appel.

Adieu donc pour aujourd’hui, je t’écrirai jusqu’à samedi. Samedi, jour bien heureux, et qui pourtant passera comme les autres.


Jeudi (21 février).

Je relis ce que j’ai écrit hier, et pour n’y plus revenir, je te supplie de me rendre raison avec une entière sincérité de l’effet bon ou mauvais que t’auront produit les essais que je te communiquerai. Ils renferment, j’en suis sûr, une foule de défauts, que l’indulgence de mes amis n’a point vus ou point voulu voir et que tu me signaleras, mon Adèle, dès qu’ils te frapperont. Songe seulement à ne prendre conseil que de toi. Tu aurais découragé l’auteur des Martyrs en lui parlant de son livre comme tu m’en parlais l’autre jour, certainement d’après des opinions étrangères. Autant je