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Au général Hugo.


Gentilly, 19 juin [1825].
Mon cher papa,

C’est de la campagne où je suis allé passer quelques jours chez un ami qui demeure à deux lieues de Paris, que je te réponds. Je regrette bien que tu y sois toi-même en ce moment ; les chaleurs excessives, la solitude et le dénuement de la Miltière me font trembler pour ta chère santé ; il me semble que tu aurais dû retarder ce voyage, quelque important qu’il pût être, et ne pas t’aventurer seul dans cette saison au milieu des déserts de la Sologne. Tu sais comme moi combien les pays humides et sablonneux exhalent de miasmes morbifiques dans les grandes chaleurs, et mon Adèle te reproche tendrement de nous donner l’inquiétude de te savoir là-bas.

Les journaux de Paris ont annoncé ta promotion de la manière la plus flatteuse[1]. Que t’importe un oubli qu’ils font si fréquemment ? Que t’importe la jalousie ? Il suffit de ton nom et de ta réputation pour mériter l’envie : résigne-toi, mon noble père, à cet inconvénient de toute position élevée.

J’ai rempli ta commission auprès d’Adolphe.

Tu ne m’étonnes pas en m’apprenant que ta femme n’a pas reçu son exemplaire ; j’avais remis à Ladvocat le paquet à son adresse, avec beaucoup d’autres pour qu’il les mît à la poste. Tu connais la négligence de ce libraire : partant pour la campagne, j’ai dû me reposer sur lui de ce soin, et j’ai déjà reçu plusieurs plaintes comme la tienne. Le messager qui va porter cette lettre à la poste à Paris, va être chargé en même temps d’un petit mot sévère pour Ladvocat, et de l’ordre de réparer sur-le-champ cet oubli. Si j’en avais ici un seul exemplaire, je l’enverrais directement à ta femme, mais j’espère que Ladvocat sera soigneux cette fois.

Je suis heureux que mon ode[2] t’ait fait quelque plaisir : son succès ici passe mon espérance. Elle a été réimprimée par sept ou huit journaux ; je vais la présenter au roi.

Adieu, mon excellent père ; je n’ai que le temps de fermer cette lettre

  1. Le 5 juin le Moniteur universel annonçait la nomination du Maréchal de camp Hugo au grade de Lieutenant-général.
  2. Le Sacre de Charles X.