Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/520

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À Monsieur le rédacteur du Constitutionnel.


Paris, 26 novembre 1832.
Monsieur,

Je suis averti qu’une partie de la généreuse jeunesse des écoles et des ateliers a le projet de se rendre ce soir ou demain au Théâtre-Français pour y réclamer le Roi s’amuse et pour protester hautement contre l’acte d’arbitraire inouï dont cet ouvrage est frappé. Je crois, monsieur, qu’il est d’autres moyens d’arriver au châtiment de cette mesure illégale, je les emploierai. Permettez-moi donc d’emprunter, pour cette occasion, l’organe de votre journal pour supplier les amis de la liberté, de l’art et de la pensée de s’abstenir d’une démonstration violente qui aboutirait peut-être à l’émeute que le gouvernement cherche à se procurer depuis si longtemps.

Agréez, monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.

Victor Hugo[1].


À Mademoiselle Louise Bertin.


27 novembre 1832.
Mademoiselle,

Quelles que soient les malheureuses divisions politiques et littéraires qui se sont élevées et où j’ai la consolation de ne pas avoir eu un tort de mon côté, j’espère que vous n’avez pas douté de moi un seul instant. Vous me savez dévoué du fond du cœur, à vous, mademoiselle, à votre excellent père (que j’aime comme s’il était le mien, et qui est, j’en suis sûr, plus affligé que moi de l’événement inouï qui me frappe), à tout ce qui vous est cher. Cet évènement-là même aura eu cela d’heureux à mes yeux de bien vous faire voir qu’il n’y a jamais eu que des raisons d’attachement personnel et désintéressé dans les relations que j’ai été si heureux et si fier de nouer avec vous, avec vous dont j’admire la belle âme et le profond talent. Dites bien, je vous supplie, à vos bons parents qu’ils ne s’inquiètent de rien avec moi, qu’ils ne se croient pas obligés de gêner les polémiques littéraires ou politiques qu’ils pourraient juger nécessaires contre moi dans la nouvelle position où mes ennemis de toute nature et de tous rangs m’ont placé[2] que je serai toujours, quoi qu’il arrive, empressé et obéissant

  1. Le Constitutionnel, 27 novembre 1832.
  2. Le Journal des Débats était, quoique indépendant, soumis à un certain contrôle du gouvernement ; or Victor Hugo, tout en attaquant le Théâtre-Français, faisait en réalité le procès au gouvernement qui avait interdit sa pièce.