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à vos moindres volontés, et que je ne renoncerai jamais à l’œuvre que nous faisons en commun[1], à moins que ce ne soit vous qui, dans votre propre intérêt, croyiez devoir répudier une collaboration qui expose à tant d’orages. Vous me connaissez, vous, mademoiselle Louise, et je suis sûr que vous vous êtes déjà dit tout cela à vous-même ; je suis sûr que vous comptez fermement sur moi. Répondez donc de moi, je vous prie. J’irai vous voir. Je vous demanderai vos ordres comme par le passé. Je mettrai tout mon loisir à vos pieds. Je vous demanderai aussi de me plaindre un peu, moi homme tranquille et sérieux, d’être ainsi violemment arraché à toutes mes habitudes et d’avoir à soutenir maintenant ce combat politique en même temps que le combat littéraire.

Où sont nos beaux jours des Roches ?

Je mets tous mes respects et tout mon dévouement à vos pieds.

Victor Hugo.


À Sainte-Beuve.


Ce samedi soir, 1er décembre [1832].

J’ai vu Carrel, mon cher ami, et je l’ai trouvé cordial et excellent. Il m’a dit que vous n’aviez qu’à lui apporter demain un extrait de la préface[2] (Renduel a dû vous l’envoyer ce soir) avec une espèce de petit article[3] où vous diriez ce que vous voudriez, que le tout serait publié lundi matin dans la partie politique du journal. Il m’a déclaré qu’il croyait que c’était le devoir du National de m’appuyer énergiquement et sans restriction dans ce procès que je vais intenter au ministère, et il a ajouté de son propre mouvement que je pouvais vous prier de sa part de faire, d’ici à cinq ou six jours, un article politique étendu sur toute la question[4] et sur la nécessité où est l’opposition de me soutenir chaudement dans cette occasion, si elle ne veut pas s’abdiquer elle-même. J’ai grand besoin de tous ces appuis, mon cher ami, dans la lutte où me voilà contraint de m’engager et de persister, moi à qui vous connaissez des habitudes si recueillies et si domestiques. Somme toute, j’ai été enchanté de Carrel. Il est disposé à tout faire pour donner à mon affaire le plus d’importance possible. Quant à la question littéraire, il est fort bien aussi. Il dit même qu’il ne verra aucun inconvénient à ce que

  1. La Esmeralda.
  2. Préface du drame Le Roi s’amuse.
  3. À propos de ce « petit article » paru dans le National du 13 décembre, Sainte-Beuve se plaignit de ce que « deux ou trois phrases littéraires , très circonspectes, avaient été mises de côté ».
  4. Sainte-Beuve, dans sa réponse datée du 8 décembre, se dérobe : « Je n’ai pas d’idées nettes sur cette question de législation théâtrale ». - Gustave Simon. Lettres de Sainte-Beuve à Victor Hugo et à Mme  Victor Hugo. Revue de Paris, 15 janvier 1905.