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1837.


À Monsieur A. Vacquerie[1],
Institution Favart, rue St-Antoine.

Je vous remercie, mon jeune et cher poëte. De beaux vers comme les vôtres sont en effet une douce consolation. Je suis triste et par moments accablé, j’ai perdu un frère qui avant sa maladie avait été le compagnon de mon enfance et de ma jeunesse[2] Ainsi mon père, ma mère, un enfant, ce frère ! je regarde avec douleur s’élargir cette solitude que la mort fait autour de moi. Envoyez-moi de beaux vers. Il y a dans votre noble et tendre poésie un charme qui me va au cœur. Je vous remercie encore et je vous serre la main.

Votre ami,
Victor H.[3]
7 mars [1837].


À Louis de Maynard, à la Martinique[4].


Du 21 mai 1837.

Nous vous attendons toujours. Votre lettre si bonne et si charmante promettait votre prochain retour, nous nous en sommes tous fait une fête, et vous ne venez pas ! Nous aurions pourtant bien besoin de vous ici : nous aurions besoin de vous pour nous, parce que nous vous aimons et que, quant à moi, votre amitié généreuse et loyale était une des réelles joies de ma vie ; nous aurions ensuite besoin de vous pour vous-même, parce qu’ici vous nous feriez, j’en suis sûr, un beau livre ; parce qu’à une grande pensée comme la vôtre il faut un grand spectacle comme le nôtre, et que Paris est le tourbillon naturel des planètes de votre ordre. Nous aurions besoin de vous pour les idées que vous feriez avancer, pour le style que vous édifieriez, pour la critique que vous sauriez redresser, pour l’art qui a si peu d’hommes comme vous, pour tout ; et puis je le redis encore, parce qu’une figure noble et sincère comme la vôtre, droite et debout au milieu de tant de regards inclinés et obliques, repose l’œil et console le cœur. Croyez que nous vous aimons véritablement ici.

Voyez-vous, la distance grandit les hommes tels que vous ; on vous compare à ce qui est resté et ce n’est pas vous qui perdez à la comparaison.

Au moins, que faites-vous là-bas ? Dédommagez-nous donc par quelque belle œuvre, votre fruit nécessaire. À défaut du grand spectacle des hom-

  1. Inédite.
  2. Eugène, mort le 5 mars 1837.
  3. Bibliothèque Nationale.
  4. Louis de Maynard, écrivain distingué, critique d’art et critique littéraire, défendait en toute occasion la nouvelle école et admirait profondément Victor Hugo ; il ne reçut pas la lettre qu’on va lire. Il mourut le 22 mai 1837, à la Martinique.