Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/557

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mes que vous aviez ici, vous avez le grand spectacle de la nature ; à défaut de la lutte des idées, vous avez la calme harmonie des choses ; si vous avez moins du siècle, vous avez plus du soleil. L’art doit vous ouvrir encore là-bas de belles perspectives. Venez donc à nous. Venez ou donnez-nous un livre de vous ; il nous faut votre personne ou votre pensée. Moi, je continue ici mon œuvre, eau fort troublée, comme vous savez, par les pierres qu’on y jette ; je travaille, j’étudie ; j’ai trois pièces prêtes à être écrites ; vous en verrez une quelqu’un de ces jours ; et puis, çà et là, je fais des vers.

J’ai vu M. B. qui m’a paru homme distingué et qui d’ailleurs venant avec une lettre de vous, avait tout de suite la meilleure attitude à mes yeux.

Nos choses politiques sont toujours médiocres et basses, vous vous souvenez ; cela n’est pas devenu plus grand depuis que vous nous avez quittés. De petits hommes travaillant autour d’une petite idée ; peu de chose s’agitant autour de rien. Somme toute, il y a des heures où je vous envie, vous poëte exilé sous le soleil, exil qu’Ovide eût aimé, dans cette Martinique que vous avez si admirablement peinte.

M. Granier, qui est toujours notre excellent ami à tous deux, se charge de vous faire passer cette lettre, à laquelle je joins un exemplaire de Notre-Dame de Paris pour vous et un autre pour M. D… que vous seriez bien bon de lui transmettre avec tous mes remerciements pour le beau hamac qu’il a envoyé à ma femme. Je lui écrirai prochainement. En attendant, adressez-lui mille affectueux compliments ainsi qu’à monsieur Auguste, que nous aimons aussi beaucoup.

Je vous embrasse en frère.

Victor Hugo.

Ma femme vous dit mille bonnes et vraies amitiés[1].


À Léopoldine.
Valenciennes, 15 août 1837.

J’arrive dans cette ville au bruit des carillons. C’est la fête de la Vierge. Je te la dédie, mon enfant.

Je n’ai pas voulu, ma Didine bien-aimée, laisser passer ce jour sans t’écrire. Je ne passe pas de jours, je ne passe pas d’heures sans penser à toi. Ta mère, toi, tes frères, ta chère petite sœur, vous êtes toujours présents à ma pensée et mêlés à moi dans un même amour.

As-tu reçu mon petit griffonnage de l’autre fois ? T’a-t-il fait plaisir, ma Didine ? Garde-le pour l’amour de moi.

  1. Lettre collationnée sur une coupure de journal dont le titre a été coupé et qui nous semble, d’après les annonces au verso de l’article, avoir été publié aux Antilles. Archives de la famille de Victor Hugo.