Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’argent, de là non-paiement. J’écris tout de suite à Paris pour que le bon te soit présenté avant ton départ ; on le portera sans doute demain mercredi. Je te serai obligé de payer tout de suite. Ce sera à déduire sur les 2 116 francs.

Tu sais qu’on m’a fait dans les journaux d’ici et d’Allemagne sénateur, prince et grand aigle de la légion d’honneur avec deux millions de dotation ; moyennant quoi Napoléon-le-Petit rentrerait en portefeuille. J’ai haussé les épaules. Puis on a parlé amnistie.

Voici ce qu’a dit hier un journal catholique, l’Émancipation[1]  ; Cela a surpris dans la bouche de ce journal qui est assez bonapartiste et m’avait attaqué la veille. Je ne comprends pas ce revirement. De leur côté les journaux démocrates ont parlé et voici ce qu’a publié aujourd’hui la Nation[2] :

Charles avance son roman. Il m’a lu les premiers chapitres qui sont on ne peut plus réussis. C’est très remarquable et comme fond et comme forme. Je ne doute pas du succès et je crois que tu seras contente. Hetzel lui a déjà payé 200 francs sur le prix ; le reste (300 francs) quand il aura fini. — Un libraire veut imprimer ici mes discours complets, mais toujours de compte à demi. C’est un peu fantastique comme résultat. Je verrai ce que produira Nap.-le-Petit.

Chère bien-aimée, je n’ai pas le temps de t’en dire davantage, la poste me pressant. Une prochaine fois, nous parlerons affaires. Embrasse mon

  1. « Ces rigueurs excessives ne rendent guère vraisemblable l’amnistie que vous annoncez. D’ailleurs serait-ce une amnistie que cette grâce humiliante et conditionnelle dont parle un de vos correspondants ? Les fourches caudines n’ont jamais passé pour un acte généreux. Ne serait-ce pas en outre une plaisanterie que de proposer à des hommes qui ont l’âge de raison de rentrer à des conditions qui ont déjà été offertes à tous les exilés et qu’ils ont tous repoussées ? Est-ce le général Changarnier, ou le général Lamoricière, ou le colonel Charras, ou M. Victor Hugo, ou M. Thiers qu’on suppose ainsi convertis à d’autres sentiments et disposés à se soumettre ?
    En vérité, n’est-ce pas calomnier gratuitement des gens dont la situation est digne de respect et mérite les égards de tous les écrivains que de les croire capables d’une pareille lâcheté ? »
  2. « Les correspondances de Paris sont pleines chaque jour des bruits attentatoires à l’honneur de Victor Hugo, que le jésuitisme bonapartiste continue à représenter comme prêt à accepter de M. Napoléon quelque chose que celui-ci appelle une grâce. Si M. Bonaparte demande à amnistier Victor Hugo, nous savons que Victor Hugo n’amnistie point le traître qui a violé la République. M. Bonaparte peut avoir obtenu par la ruse et la force brutale un triomphe qui lui permette aujourd’hui d’offrir des grâces aux défenseurs du droit outragé. Il n’a pas le pouvoir de faire que les représentants du peuple proscrits ne restent ses juges au sein de la proscription. Les bruits bonapartistes relatifs à Victor Hugo partent de trop bas pour qu’il y ait pour l’orateur de la Montagne nécessité d’une nouvelle protestation. Le souverain mépris de Victor Hugo y a de longtemps répondu. Que si une nouvelle réponse est nécessaire, nous pouvons annoncer qu’elle ne se fera pas attendre. Elle paraîtra bientôt sous forme d’un livre où est imprimée la sentence de celui qui voudrait amnistier l’historien et le juge. Ce livre s’appelle : Napoléon-le-Petit.