à goutte sur le Bonaparte. Il finira peut-être par faire le trou. La page sur Haynau circule dans le faubourg St-Antoine, et le fait bouillonner un peu. Il serait bon que cela commençât par un soufflet à Haynau pourvu que cela finît par un coup de pied au cul à Bonaparte.
Depuis que je suis ici, on me fait l’honneur de tripler les douaniers, les gendarmes et les mouchards à St-Malo. Cet imbécile hérisse les bayonnettes contre le débarquement d’un livre.
Vous avez dû recevoir votre exemplaire ? Je vous envoie une première page que vous y ferez coudre en souvenir de moi. J’ai eu bien de la peine à ne pas écrire sur cette page : au général en chef de la république future.
Ce sera votre rôle. Vous êtes peut-être le seul homme en effet qui puissiez revenir vainqueur et rassurant.
Ayons foi, cher ami. J’ai l’idée que nous siégerons vous et moi, coude à coude, au parlement des États-Unis d’Europe. Nous nous retrouverons l’un à côté de l’autre, et nous n’aurons plus les Thiers, les Montalembert et les Dupin en face de nous.
Je vous serre la main. — À bientôt.
Je vous écris du bord de cette admirable mer, qui est en ce moment d’un calme plat, qui demain sera en colère et brisera tout, — et qui ressemble au peuple. Je regarde ce miroir qui est comme de l’huile, et je me dis : qu’un vent souffle, et cette eau plate deviendra tempête, écume et furie. — Cher ami, tâchons de faire souffler le vent.
Tâchez donc de venir à Jersey, avec votre noble et charmante femme. Vous y serez bien, je vous jure : ma femme embrassera la vôtre, j’ai une terrasse au bord de la mer où vous viendrez le soir, nous causerons, et nous regarderons la France à l’horizon et la république dans l’avenir. Nous laisserons nos âmes s’envoler vers ces deux patries.
Tout va bien. Force gendarmes et mouchards à Saint-Malo, les voyageurs fouillés jusqu’aux bottes, les pêcheurs de Granville bouleversés de la façon dont on visite leurs paniers, le sous-préfet faisant la grosse voix,