la vôtre ? Ce que vous dites du peuple est bien, mais on lui mettra l’aiguillon au flanc, à ce taureau.
Puisque ceci est une page blanche, pourquoi n’y pas écrire un mot ? Je cause avec vous jusque sur le dernier bout de papier, comme ces gens qui vous retiennent par le bouton de l’habit sur le pas de la porte. Figurez-vous qu’en ce moment on veut pendre un homme à Guernesey, et que je ne veux pas. L’homme, un assassin[1], est peu intéressant, mais le gibet l’est encore moins. J’ai donc écrit une lettre aux habitants de Guernesey[2] — mon épître aux corinthiens — pour leur dire : ne pendez pas. Je vous enverrai cette lettre un de ces jours. Elle paraît demain dans les neuf journaux de l’archipel. Qu’adviendra-t-il ? Qui sera vaincu ? Sera-ce le progrès ? Sera-ce le gibet ? Les guernesiais sont très montés contre leur pendu. Tout ceci fait une grande émotion dans nos îles. Priez pour mon misérable client ![3]
Pardonnez-moi, mon doux poëte, de vous écrire sur l’enveloppe. Ce paquet est si gros et si indiscret que je fais tout, même une sottise, pour l’amincir.
Est-ce que vous seriez assez bon pour faire remettre ces lettres à leur adresse ? La lettre Marescq peut être jetée à la poste sans inconvénient.
J’ai reçu, grâce à vous, le charmant petit livre de M. E. de Mirecourt. Je lui dis, mais redites-lui, comme j’en ai été touché. Il y a là telle ligne de quelques mots toute grosse de cordialité et d’affection. Dites-lui que je sens cela, et bien profondément.
Je vous envoie mon speech du 29 novembre[5], édition tirée à 100 000. Mais la douane veille. Cela entrera-t-il ? J’envoie à M. de Mirecourt un autre speech pour sauver un condamné à mort qu’on veut pendre à Guernesey. Je vous le ferai parvenir prochainement dans l’édition complète de tous mes discours de l’exil. C’est le titre.
J’attends toujours les adresses que je vous ai demandées. Puis, vous serez