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et que tout ce groupe si dévoué et si honnête n’a plus d’espoir qu’en vous. Lanvin fils serait, à ce qu’il paraît, victime de son trop bon service, et aurait eu maille à partir avec un des administrateurs, M. Simond. Il me semble que la chose doit pouvoir s’arranger. Je la remets en vos mains, mon admirable ami. Ce que vous ferez pour cet excellent Lanvin, vous le ferez pour moi-même.

J’aurais voulu n’avoir à vous parler que de votre Jeanne d’Arc, car la voilà qui en émotion, en intérêt et en pathétique, succède au Bon Lahire. Vous avez ici un succès passionné. Ces dames vous lisent, vous relisent et vous commentent. Que c’est bon et beau d’apprendre l’histoire avec vous ! Vous êtes à la fois conteur fidèle et poëte puissant. Dans le flanc de cette haute épopée, vous faites remuer un drame profond. Merci et bravo. Je vais bientôt vous écrire encore. Je pense que vous me permettrez de tirer sur vous quelques sommes.

En attendant, je me mets aux pieds de madame Meurice, je vous recommande mon pauvre et cher Lanvin fils, et je vous serre dans mes vieux bras.

Tuus.
V.[1]


À Monsieur de Ségur, évêque[2].


Hauteville-House, 17 décembre 1872.
Monsieur,

J’ignorais votre existence.

On m’apprend aujourd’hui que vous existez et même que vous êtes évêque.

Je le crois.

Vous avez eu la bonté d’écrire sur moi des lignes qu’on me communique et que voici :

Victor Hugo, le grand, l’austère Victor Hugo, le magnifique poëte de la démocratie et de la république universelle, est également un pauvre homme affligé de plus de trois cent mille livres de rente (souligné dans le texte) ; quelques-uns disent même de cinq cent mille (souligné dans le texte). Son infâme livre des Misérables lui a rapporté d’un coup cinq cent mille francs. On oublie toujours de citer les largesses que son vaste cœur humanitaire l’oblige à coup sûr de faire à ses chers clients des classes laborieuses. On le dit aussi avare, aussi égoïste qu’il est vantard.

  1. Bibliothèque Nationale.
  2. Le carnet de 1872 (collection Loucheur) porte à la date du 16 décembre : « J’ai écrit à l’évêque Ségur. J’ai envoyé à Victor ma lettre à ce Ségur en le laissant libre, Meurice et Vacquerie consultés, de la publier ou non ». — En même temps, Victor Hugo écrivait les vers :
    Muse, un nommé Ségur, évêque, m’est hostile.
    (Les Quatre Vents de l’Esprit.)
    La lettre ne parut pas dans le Rappel et fut insérée en 1898 dans la Correspondance.