Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome IV.djvu/285

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À un autre point de vue, mais qui n’est qu’un détail, il est fâcheux qu’il soit absent. Je lui ai écrit deux fois, et tu aurais vu par quelles tendresses je te répondais. La dernière lettre en particulier, qui a dû arriver hier mardi à Bruxelles, était fort importante. Elle contenait une lettre pressée pour M. Lacroix que Charles devait lire lui-même de ma part à M. Verboeckhoven.

Je passe aux détails dont tu me parles :

Puisque tu as tant fait que d’ajourner ton retour, tu feras bien maintenant d’attendre jusqu’au 10 décembre, attendu que, te voyant absente, j’en ai profité pour les travaux de la maison qui est, en ce moment, remplie d’ouvriers. L’escalier va être bouché pendant trois semaines. Je ne voudrais pas que tu revisses Hauteville-house dans ce vilain hourvari-là. Au 10 décembre, les travaux seront finis, et alors, rien ne troublera la joie que nous aurons tous à nous revoir. Il va sans dire pourtant que si, bravant Mauger et Valpied, tu désires revenir tout de suite, en ayant assez des boues et des pluies de Bruxelles, nous ouvrons nos quatre bras tout grands, ton petit Toto et moi. Écris-moi ce que tu décides.

Je trouve ton écriture excellente et je sais, par ce qu’a écrit M. Ém. Allix, que tes yeux sont complètement convalescents, et comme guéris. Cependant tu es juge de l’importance que tu mets à consulter le docteur Desmares. Mais, dans ce cas-là, il faut absolument qu’Adèle t’accompagne et revienne comme toi par Paris. Elle ne peut compter sur Julie, j’en ai absolument besoin pour aider à la copie du manuscrit des Misérables qu’il faut livrer à époque fixe. J’ai prié M. Chenay, qui est ici, de la faire venir ; il lui a écrit vendredi dernier, et nous attendons Julie ici dans deux jours. Il est donc nécessaire qu’Adèle t’accompagne et fasse le même retour que toi. Du reste, les raisons qu’elle donne pour éviter Paris sont chimériques, la responsabilité politique des femmes étant, à l’heure qu’il est, absolument nulle. Être près de sa mère malade, c’est là sa vraie place toujours et partout, c’est là le vrai conseil de sa dignité. Dis-lui cela de ma part en l’embrassant bien tendrement. Adèle a une grande noblesse de cœur. Je ne doute pas qu’elle ne me comprenne, et qu’elle ne se donne la joie de t’accompagner. Remplir un devoir et se donner un bonheur, qu’y a-t-il de mieux ?

Chère amie bien-aimée, ne sois pas triste ; tous tes assombrissements viennent de la dispersion de la famille. Le groupe va se refaire à Hauteville-house, et tu verras comme tu y es aimée, comme tu y es nécessaire, comme tu y seras heureuse. Je t’embrasse de toutes mes forces ainsi que ma chère petite Adèle.

Je suis accablé de travail. La publication prochaine des Misérables me talonne.