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COLOGNE.

de marbre qui bénit le Rhin. De la Thurmchen à la Bayenthurm la ville développe sur le bord du fleuve une lieue de fenêtres et de façades. Vers le milieu de cette longue ligne un grand pont de bateaux, gracieusement courbé contre le courant, traverse le fleuve, fort large en cet endroit, et va, sur l’autre rive, rattacher à ce vaste monceau d’édifices noirs qui est Cologne, Deuz, petit bloc de maisons blanches.

Dans le massif même de Cologne, au milieu des toits, des tourelles et des mansardes pleines de fleurs, montent et se détachent les faîtes variés de vingt-sept églises, parmi lesquelles, sans compter la cathédrale, quatre majestueuses églises romanes, toutes d’un dessin différent, dignes par leur grandeur et leur beauté d’être cathédrales elles-mêmes, Saint-Martin au nord, Saint-Géréon à l’ouest, les Saints-Apôtres au sud, Sainte-Marie du Capitole au levant, s’arrondissent comme d’énormes nœuds d’absides, de tours et de clochers.

Si l’on examine le détail de la ville, tout vit et palpite ; le pont est chargé de passants et de voitures, le fleuve est couvert de voiles, la grève est bordée de mâts. Toutes les rues fourmillent, toutes les croisées parlent, tous les toits chantent. Çà et là de vertes touffes d’arbres caressent doucement ces noires maisons, et les vieux hôtels de pierre du quinzième siècle mêlent à la monotonie des toits d’ardoise et des devantures de briques leur longue frise de fleurs, de fruits et de feuillages sculptés sur laquelle les colombes viennent se poser avec joie.

Autour de cette grande commune, marchande par son industrie, militaire par sa position, marinière par son fleuve, s’étale et s’élargit dans tous les sens une vaste et riche plaine qui s’affaisse et plie du côté de la Hollande, que le Rhin traverse de part en part, et que couronne au nord-est de ses sept croupes historiques ce nid merveilleux de traditions et de légendes qu’on appelle les Sept-Montagnes.

Ainsi, la Hollande et son commerce, l’Allemagne et sa poésie, se dressent comme les deux grands aspects de l’esprit humain, le positif et l’idéal, sur l’horizon de Cologne, ville elle-même de négoce et de rêverie.

En redescendant du beffroi, je me suis arrêté dans la cour devant le charmant porche de la renaissance. Je l’appelais tout à l’heure porche triomphant, j’aurais dû dire porche triomphal ; car le second étage de cette exquise composition est formé d’une série de petits arcs de triomphe accostés comme des arcades et dédiés, par des inscriptions du temps, le premier à César, le deuxième à Auguste, le troisième à Agrippa, le fondateur de Cologne (Colonia Agrippina) ; le quatrième à Constantin, l’empereur chrétien ; le cinquième à Justinien, l’empereur législateur ; le sixième à Maximilien, l’empereur vivant. Sur la façade le sculpteur poëte a ciselé trois bas-reliefs