Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome I.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
101
À PROPOS DU MUSÉE WALLRAF.



LETTRE XII.
À propos du musée Wallraf.


Biographie, monographie et épopée du pourboire. — L’estafier. — Le conducteur. — Le postillon. — Le grand drôle. — L’autre drôle. — Le brouetteur. — Celui qui a apporté les effets. — La vieille femme. — Le tableau, le rideau, le bedeau. — L’individu grave et triste. — Le custode. — Le suisse. — Le sacristain. — La face qui apparaît au judas. — Le sonneur. — L’être importun qui vous coudoie. — L’explicateur. — Le baragouin. — La fabrique. — Le jeune gaillard. — Encore le bedeau. — Encore l’estafier. — Le domestique. — Le garçon d’écurie. — Le facteur. — Le gouvernement. — « N’oubliez pas que tout pourboire doit être au moins une pièce d’argent. »


Andernach.

Outre la cathédrale, l’hôtel de ville et la maison Ibach, j’ai visité, au Schleis-Kotten, près de Cologne, les vestiges de l’aqueduc souterrain qui, au temps des romains, allait de Cologne à Trèves, et dont on trouve encore aujourd’hui les traces dans trente-trois villages. Dans Cologne même, j’ai vu le musée Wallraf. Je serais bien tenté de vous en faire ici l’inventaire, mais je vous épargne. Qu’il vous suffise de savoir que, si je n’y ai pas trouvé, grâce aux déprédations du baron de Hubsch, le chariot de guerre des anciens germains, la fameuse momie égyptienne et la grande couleuvrine de quatre aunes de long fondue à Cologne en 1400, en revanche j’y ai vu un fort beau sarcophage romain et l’armure de l’évêque Bernard de Galen. On m’a aussi montré une énorme cuirasse qui passe pour avoir appartenu au général de l’empire Jean de Wert ; mais j’ai vainement cherché sa grande épée longue de huit pieds et demi, sa grande pique pareille au pin de Polyphème, et son grand casque homérique que deux hommes, dit-on, avaient peine à soulever.

Le plaisir de voir toutes ces choses belles ou curieuses, musées, églises, hôtels de ville, est tempéré, il faut le dire, par la grave importunité du pourboire. Sur les abords du Rhin, comme d’ailleurs dans toutes les contrées très visitées, le pourboire est un moustique fort importun, lequel revient, à chaque instant et à tout propos, piquer, non votre peau, mais votre bourse. Or la bourse du voyageur, cette bourse précieuse, contient tout pour lui, puisque la sainte hospitalité n’est plus là pour le recevoir au seuil des maisons avec son doux sourire et sa cordialité auguste. Voici à quel degré de puissance les intelligents naturels de ce pays ont élevé le pourboire. J’expose