Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/117

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diamètre. Cela jetait de gros boulets de granit ou des tonneaux de mitraille. C’est énorme.

Ce n’est rien cependant à côté de ces bombardes de Mahomet II que traînaient quatre mille hommes et deux mille jougs de bœufs, et qui vomissaient d’immenses blocs de rochers. C’étaient des espèces de volcans que ce turc penchait sur Constantinople.

Il y a de beaux tableaux à Saint-Bavon, deux surtout, l’un de Rubens, l’autre de Jean van Eyck, l’inventeur de la peinture à l’huile. Celui de Rubens, qui représente l’admission de saint-Amand au monastère de Saint-Bavon, est admirable. Le groupe d’en bas est de la plus superbe tournure. L’autre, d’un style tout différent, n’est pas moins merveilleux. Van Eyck est aussi calme que Rubens est violent. Il y a encore une belle peinture d’un élève de Van Eyck et une autre, belle de même, du maître de Rubens. Ces quatre peintres font une sorte d’escalier par lequel il est curieux de descendre, d’époque en époque, ou pour mieux dire de monter, de Van Eyck à Rubens. Nous connaissons à peine à Paris cet Otto Venius, qui a été le maître de Rubens. Chose remarquable ! c’est aussi un peintre calme.

Au reste, chacune de ces églises flamandes est un musée. J’y voudrais voir notre bon et cher Boulanger.

À part cela, j’aime mieux nos églises de France. Décidément, celles-ci sont trop propres. La propreté excessive, en fait de monuments, est un grand défaut. D’abord elle entraîne le badigeonnage, cette suprême saleté, et puis le grattage, et puis le lavage perpétuel. Or la couleur des siècles est toujours belle et la poussière du jour l’est quelquefois. L’une est la trace des générations, l’autre est la trace de l’homme. Tout est blanc, luisant, poli, épongé, miroitant, dans les églises belges. À chaque pas, l’opposition dure et criarde et prodiguée partout du marbre blanc et du marbre noir. Fort peu de ces belles teintes grises et moisies de nos vieilles cathédrales. Pas de vitraux. Briser les vitraux et badigeonner les églises, souvent aussi jeter bas les jubés, voilà de quoi se compose la dévastation propre aux prêtres. Ils veulent à toute force être vus ; pour cela il faut blanchir les vitres, blanchir les murs et renverser les jubés. Ô coquetterie, où vas-tu te nicher ?

Depuis que je suis en Belgique, je n’ai vu que deux ou trois jubés, et encore cruellement peinturlurés, deux ou trois verrières, deux églises seulement non badigeonnées, Sainte-Waudru de Mons et la chapelle de Bruxelles.

En Belgique, point de ces beaux portails encombrés d’admirables statues, comme à Chartres, comme à Reims, comme à Amiens. Les portails des plus belles cathédrales n’ont pas une seule figure sculptée. C’est étrange. Il