Je suis parti de Bayonne au soleil levant. La route est charmante ; elle court sur un haut plateau, ayant Biarritz à droite et la mer à l’horizon. Plus près, une montagne ; plus près encore, une grande mare salée et verte. Un enfant tout nu y fait boire une vache. Le paysage est magnifique ; ciel bleu, mer bleue, soleil éclatant. Du haut d’une colline un âne regarde tout cela
Un joli châtelet Louis XIII, le dernier qu’ait la France de ce côté au midi.
À Bidart, on change de chevaux. Une sorte d’idole bizarre à la porte de l’église, vénérée à présent comme autrefois. La destinée de ce caillou est d’être adoré : dieu pour les payens, saint pour les chrétiens. Il faut des fétiches à qui ne pense pas.
Puis Saint-Jean-de-Luz, village cahoté dans les anfractuosités d’une montagne. Bras de mer dans les sables. Flaques d’eau glauque qui sent le poisson ; laveuses. Air de joie. Un petit hôtel à tourelles dans le genre de celle de l’hôtel d’Angoulême au Marais, sans doute bâti pour Mazarin à l’époque du mariage de Louis XIV.
La Bidassoa, jolie rivière à nom basque, qui semble faire la frontière de deux langues comme de deux pays et garder la neutralité entre le français et l’espagnol.
Je traverse le pont. À l’extrémité méridionale la voiture s’arrête. On demande les passeports. Un soldat en pantalon de toile déchirée et en veste de vert rapiécée de bleu au coude et au collet apparaît à la portière. C’est la sentinelle ; je suis en Espagne. Me voici dans le pays où l’on prononce b pour v ; ce dont s’extasiait cet ivrogne de Scaliger : Felices populi, s’écriait-il, quibus vivere est bibere.
Il n’y a pas de faisans dans l’île des Faisans, qui n’est qu’une façon de plateau vert. Une vache et trois canards représentent les faisans ; comparses loués sans doute pour faire ce rôle à la satisfaction des passants.
C’est la règle générale. À Paris, au Marais, il n’y a pas de marais ; rue