Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/542

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11 septembre. — Partis de Carlsrühe pour Antweiler. Après le déjeuner nous montons à Trifels ; route longue, ombragée, montueuse. Haut de la montagne, ardent soleil. Ruine éparse en blocs titaniques. Au centre une grande tour carrée, très pure, et qui semble toute neuve. C’est un castellum roman du onzième siècle. Il y a au flanc de la tour un encorbellement byzantin du plus beau style porté par deux mascarons en console. Escaliers de pierre usés. Je monte et je vais partout. Je cueille une petite fleur rose sur le soupirail du cachot de Richard Cœur de Lion ; ce soupirail ressemble à une croisée de pierre à quatre baies posée à terre. Par les quatre ouvertures carrées on aperçoit à une cinquantaine de pieds de profondeur le cachot. Le soleil n’y entre pas.

Je dessine le burg. De la plate-forme, vaste vue sur les Vosges et sur la plaine du Rhin. Plus de soixante sommets à l’horizon. Presque tous ces sommets portent ou une ruine humaine ou une ruine divine, une forteresse ou un rocher antédiluvien. Les rochers ressemblent aux donjons, les tours ressemblent aux pics. De là ces silhouettes se mêlent. Près de nous il y a deux cimes portant deux châteaux, et deux autres cimes portant, l’une une sorte d’autel géant haut de quatrevingts pieds, l’autre une espèce de peulven naturel immense. Nous redescendons la montagne en courant sous une forêt très haute et très escarpée. Nous arrivons à Antweiler à 4 heures. Nous partons à 4 heures 1/2 pour Pirmasens. Je revois en passant la Table du Diable, et je la dessine. Toute cette vallée est un émerveillement.


13 septembre. — Bliescastel. Avant le dîner, nous parcourons la ville. Quelques vieux hôtels dans une rue montante. Une façade Louis XIV d’assez grand style sur un jardin. Au haut de la rue une église. Le portail est d’une belle couleur ; il est étrange et riche, et laisse l’esprit indécis entre la Renaissance et le Louis XVI. Il y a sur une place un cippe-fontaine dédié à Napoléon Ier en 1804 avec une inscription respectée des prussiens.


17 septembre. — Saarburg. Partis pour Trêves après être allés voir la cascade ; arrivés devant Saint-Mathias, nous nous y arrêtons une demi-heure. C’est un étrange chaos, une église rococo-romane, un édifice à pleins-cintres, compliqué de rocailles et de chicorées, le douzième siècle enjolivé par le dix-huitième, Barberousse mélangé de Louis XV. Nous arrivons à Trêves à 4 h. 1/2. — Nous allons voir le dôme, l’escalier rococo du palais des archevêques ; nous haïssons en passant l’inepte Basilica ; nous sommes à la nuit tombante dans la ruine des bains de Constantin et à la nuit tombée dans le cirque.