Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/60

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Puisque les chartrains restaurent leur cathédrale, et ils ne peuvent mieux faire, ils devraient bien empêcher je ne sais qui de démolir les vieux remparts qui complètent leur belle porte Guillaume.

Du reste, la cathédrale sans toit est d’un effet étrange et qui a sa beauté. Les murs sont si chargés de colonnettes et de piliers en gerbes et de nervures que, de cette même porte Guillaume d’où on la voit dans toute sa magnificence, elle apparaît au-dessus de la ville comme un immense orgue de pierre.

Vue du haut du grand clocher, la croupe incendiée et mise à nu est superbe. On dirait le dos d’un monstre énorme. Ce qui paraît singulier d’abord, quoiqu’on se l’explique ensuite par la réflexion, c’est que le plomb dont est revêtu le promenoir de la haute galerie qui circulait autour du toit est resté parfaitement intact, quoique si voisin de l’embrasement que le plomb de la couverture en fusion a coulé dessus de toutes parts, et y pend encore à l’heure qu’il est en mille stalactites qui brillent d’une façon charmante au soleil.

Du reste la ville de Chartres, prise du côté des vieux remparts, est très pittoresque et devrait être plus visitée des peintres qu’elle ne l’est.

La poste va partir, j’écris tout ceci à la hâte. Chère amie, donne ces détails à ceux de nos amis qui t’en demanderont. Nanteuil est encore avec moi. Le voyage l’a mis en appétit d’aller plus loin, et nous avons gardé notre cabriolet. Il te présente ses respects.

Moi, je vous embrasse tous, et toi avant tous. Je ne sens jamais plus combien je t’aime qu’absent de toi. Embrasse mille fois nos bien-aimés petits. Je te le rendrai. Écris-moi poste restante à Cherbourg. Toujours M. le Baron Hugo. — Pas de prénom.

Ton Victor.

Lis tout ceci à ton père que j’aime et à qui je serre la main. Je pense que cette lettre l’intéressera. Il s’occupe de tout cela comme moi et mieux que moi.