Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/225

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par leurs crimes. Lord Cécil a qualifié ainsi les geôliers de Marie Stuart : ces brigands ; Davenant a appelé montres les bourreaux de Charles Ier ; Cléry a dit, en parlant des juges de Louis XVI : ces tigres. La postérité a jugé que Cléry, Davenant et lord Cécil devaient parler ainsi, elle a déclaré ces colères saines et elle a loué ces serviteurs des rois pour ces honnêtes marques de leur fidélité ; et moi qui ne suis qu’un penseur libre et un français proscrit, est-ce qu’il est possible que j’hésite, grand Dieu ! quand il s’agit de dénoncer à l’histoire, de souffleter par leurs actes, et de traîner sur la claie de leurs trahisons ceux qui sont tes geôliers, ô Patrie, et ceux qui sont tes bourreaux, ô Liberté !


Page 159. [Ce n’est pas par là qu’il échappera.]

Désormais Louis Bonaparte, parjure, traître, faussaire, ingrat, hypocrite, incarcérateur, transporteur, proscripteur, perdu de dettes et d’orgies, libertin, bourreau, spoliateur, voleur, meurtrier et médiocre, a pris place parmi ces hommes dont le genre humain a honte et qui sont la douleur du philosophe. L’histoire est condamnée à ne jamais laisser refroidir le fer rouge. Tacite et Juvénal ont à jamais la parole sur lui. Tacite peindra son gouvernement et Juvénal son alcôve.



SPOLIATION DES D’ORLÉANS.

Les républicains proscrits ont quelque chose de commun avec les dynasties proscrites, c’est l’exil. Hors de là, rien. Le présent semble les rapprocher, mais l’avenir les sépare profondément. Les hommes qui souffrent à cette heure pour la République appartiennent à jamais à la République. Dans cette situation si nette et si franche, ils peuvent, quand l’occasion s’en présente, dire simplement ce qu’ils pensent des dynasties tombées à côté d’eux, les blâmer pour ce qui est blâmable, les louer pour ce qui est louable, justement et librement, car que sont-ils, sinon des hommes de justice et de liberté !

La famille d’Orléans semble, dans l’œuvre immense de la régénération politique et sociale universelle, avoir une fonction analogue et parallèle à celle que remplit la famille Bonaparte. La révolution a marqué ces deux familles de son signe ; elle a engendré l’une et transformé l’autre. Depuis plus d’un demi-siècle, ces deux familles, l’une venant de saint Louis, l’autre venant du dix-huit brumaire, travaillent, chacune selon la loi qui lui est propre, quelquefois sciemment, à leur insu le plus souvent, à décomposer l’antique idée attachée au mot prince et à dissoudre la royauté dans la nation ; œuvre évidemment providentielle. Par moments, de cette action sourde et continue de dissoudre la royauté, elles passent à l’action directe et terrible ; elles frappent la vieille monarchie à la tête et lui font jaillir le sang ; Philippe-Égalité guillotine Louis XVI, Napoléon fusille le duc d’Enghien. Parfois, car telle est l’infirmité misérable des hommes, outils de Dieu, instruments aveugles dans la main de celui qui voit, ces familles, la famille Bonaparte en particulier, ne savent plus où elles en sont et, de parent à parent, se prennent au collet dans les ténèbres ;