Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/249

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notre pensée. Vous travaillez pour nous tous. Et combien attendent impatiemment avec nous cette bouffée d’air libre et pur ! Ce sera la revanche de la France !

Dans le courant d’avril, Victor Hugo se livrait à toutes sortes de projets ; c’était tout d’abord de vendre son livre l’Histoire du Deux-Décembre en Angleterre, de quitter la Belgique dans la première quinzaine de mai, d’aller à Londres et de là à Jersey, ; il jetait en même temps les bases d’un journal , le Moniteur universel des peuples, rédigé par Kossuth, Mazzini, d’autres encore et lui ; il élargissait sa première idée de fondation de librairie, puisque maintenant il en voulait une à Londres, une autre à Bruxelles, une troisième à New-York. Mais il ne se dissimulait pas que ces projets le chassaient irrévocablement de la Belgique.

Mme Victor Hugo, qui devait venir rejoindre son mari avec son fils François-Victor sorti de prison et sa fille Adèle et s’installer auprès de lui, dut, en présence de ce nouveau plan, renoncer à cette idée. Mais elle se rendit seule au commencement de juin à Bruxelles pour arrêter les dernières résolutions.

Victor Hugo, d’après la note publiée en tête de l’Histoire d’un Crime, avait terminé le 5  mai 1852 son Histoire du Deux-Décembre ; il aurait donc pu la faire paraître, incomplète, il est vrai, à l’époque où Mme Victor Hugo venait passer quelques jours avec lui ; mais il y avait plusieurs obstacles : le premier et le plus considérable, c’est que personne n’osait acheter le manuscrit ; qu’il y avait de gros risques à courir : risques de procès ; et de gros frais à engager, cette histoire, contrairement aux prévisions de l’auteur, formant deux volumes. Passe encore pour un petit volume, mais deux gros volumes à publier, c’était une tentative hardie. Victor Hugo pensait en outre et surtout que cette œuvre devait être revisée, que les événements le forceraient peut-être à ajouter des chapitres ; et puis chaque jour il recevait de nouveaux renseignements qui nécessitaient des remaniements ; pour toutes ces considérations il se voyait forcé d’ajourner cette publication. Il n’en souffla pas mot à Mme Victor Hugo. Mais il avait son projet. Pendant six mois il s’était documenté, il avait reçu de nombreuses dépositions, il avait le manuscrit de deux volumes, il avait vécu et revécu cette histoire ; il avait exalté sa colère au contact de ses compagnons d’exil ; il pouvait écrire cette fois, d’un jet rapide, un acte d’accusation contre Louis Bonaparte, s’affranchir un peu des faits et des documents pour répondre au coup d’Etat par un geste d’indignation et un cri de flétrissure, et se livrer à une improvisation vibrante, enflammée, toute frémissante des passions qui l’environnaient. Il dressa aussitôt le plan du livre qu’il devait appeler Napoleon-le-Petit : il utilisa une demi-page blanche d’une feuille de documents parlementaires belges, et jeta les notes suivantes à la suite les unes des autres :

NAP.-LE-PETIT.
PAR V. H.

Réveil de la conscience humaine.


Le serment de L. B.


Moi

Coup J’œil sur l’homme. Ici le faquin.


Nous n’exagérons rien. Dire en quelques mots le crime du 2. Massacre du boulevard.


Tous les crimes ont suivi celui-là (énumérer). Il a balbutié des excuses, la jacquerie (examiner), conspiration de l’Assemblée, etc. — peau du lion.


Absous.

Mais, dit-on, ce crime et tous ceux qui l’ont suivi (énumérer) ont été couverts par le plébiscite, par les 7,500,000 oui — examinons. Ici examen du vote.