Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/371

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télégraphique, et le règlement perd ses peines. M. Emile Leroux avait tout simplement troublé un dialogue commencé.

— Laissez-nous donc jaspiner bigorne [1], lui cria le voleur son voisin, qui, pour cette exclamation, fut mis au cachot.

C’était là la vie des représentants à Mazas. Du reste, étant au secret, pas un livre, pas une feuille de papier, pas une plume, pas même la promenade d’une heure dans le préau.

Les voleurs aussi, on vient de le voir, vont à Mazas. Mais à ceux qui savent un métier, on permet de travailler ; à ceux qui savent lire, on passe des livres ; à ceux qui savent écrire, on accorde une écritoire et du papier ; à tous on laisse l’heure de promenade exigée par l’hygiène et autorisée par le règlement.

Aux représentants, rien. L’isolement, la claustration, le mutisme, l’obscurité, le froid, « la quantité d’ennui qui rend fou », comme a dit Linguet parlant de la Bastille.

Être assis, jambes et bras croisés, sur une chaise toute la journée ! telle était la situation.

Mais le lit ? On pouvait se coucher ?

Non.

Il n’y avait pas de lit.

À huit heures du soir, le guichetier entrait dans la cellule, atteignait et déplaçait quelque chose qui était roulé sur une planche près du plafond. Ce quelque chose était un hamac.

Le hamac fixé, accroché et tendu, le guichetier souhaitait au prisonnier le bonsoir.

Il y avait sur le hamac une couverture de laine, quelquefois un matelas de deux pouces d’épaisseur. Le prisonnier, enveloppé dans cette couverture, essayait de dormit et ne parvenait qu’à grelotter.

Mais, le lendemain, il pouvait du moins rester couché toute la journée sur son hamac ?

Point.

A sept heures du matin, le guichetier rentrait, souhaitait le bonjour au représentant, le faisait lever, et roulait le hamac dans sa niche près du plafond.

Mais, en ce cas, il fallait ressaisir le hamac d’autorité, le dérouler, le raccrocher et s’y recoucher.

Fort bien. Le cachot.

Cela était ainsi. Le hamac pour la nuit, la chaise pour le jour.

  1. Parler argot