Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/374

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en perdons, ou pour mieux dire, il a encore tout, et nous n’avons encore rien. Nous avons dû nous séparer, Charamaule et moi, du colonel Forestier. Je doute qu’il réussisse. Louis Bonaparte fait tout ce qu’il peut pour nous annuler. Il faut sortir de l’ombre. Il faut qu’on nous sente là. Il faut souffler sur ce commencement d’incendie dont nous avons vu l’étincelle au boulevard du Temple. Il faut faire une proclamation, et que cela soit imprimé n’importe par qui, et que cela soit placardé n’importe comment, mais il le faut ! et tout de suite. Quelque chose de bref, de rapide et d’énergique. Pas de phrases. Dix lignes, un appel aux armes ! Nous sommes la loi, et il y a des jours où la loi doit jeter un cri de guerre. La loi mettant hors d’elle le traître, c’est une chose grande et terrible. Faisons-la.

On m’interrompit : — Oui, c’est cela, une proclamation !

— Dictez ! dictez !

— Dictez, me dit Baudin, j’écris.

Je dictai :

« Au peuple

« Louis-Napoléon Bonaparte est un traître.
« Il a violé la Constitution.
« Il s’est parjuré.
« Il est hors la loi. »

On me cria de toutes parts :

— C’est cela ! La mise hors la loi ! Continuez.

Je me remis à dicter ; Baudin écrivait :

« Les représentants républicains rappellent au peuple et à l’armée l’article 68… » On m’interrompit : – Citez-le en entier.

— Non, dis-je, ce serait trop long. Il faut quelque chose qu’on puisse placarder sur une carte, coller avec un pain à cacheter et lire en une minute. Je citerai l’article 110 ; il est court et contient l’appel aux armes.

Je repris :

« Les représentants républicains rappellent au peuple et à l’armée l’article 68, et l’article 110 ainsi conçu : – « L’Assemblée constituante confie la présente Constitution et les droits qu’elle consacre à la garde et au patriotisme de tous les Français. »

« Le peuple, désormais et a jamais en possession du suffrage universel, et qui n’a besoin d’aucun prince pour le lui rendre, saura châtier le rebelle.