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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome II.djvu/183

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XVIII

PAGE ÉCRITE A BRUXELLES.

Eh bien, oui ! Je donnerai un coup de pied dans la porte de ce palais et j’y entrerai avec toi , histoire ! Je saisirai au collet tous ces coupables en flagrant délit perpétuel de tous ces attentats ! J’éclairerai brusquement du plein midi de la vérité cet antre de nuit !

Oui, je ferai le jour ! j’arracherai le rideau, j’ouvrirai la fenêtre, je montrerai à tous les yeux, tel qu’il est, infâme, horrible, opulent, triomphant, joyeux, doré, souillé, cet Elysée, cette cour, ce groupe, ce tas, appelez cela comme vous voudrez, cette chiourme oii rampent et grouillent et s’accouplent et se fécondent toutes les turpitudes, toutes les indignités, toutes les abominations, flibustiers, boucaniers, jureurs de serments, faiseurs de signes de croix, espions, escrocs, bouchers, bourreaux, depuis le condottiere qui vend son épée jusqu’au jésuite qui brocante son bon Dieu ! cette sentine où Baroche coudoie Teste, où chacun apporte ses malpropretés, Magnan ses épaulettes, Montalembert sa religion, Dupin sa personne ! et surtout le cercle familier, le saint des saints, le conseil privé, la caverne intime où l’on boit, où l’on mange, où l’on rit, où l’on dort, où l’on joue, où l’on est grec, où l’on tutoie l’altesse, où l’on se vautre ! Oh ! quelles ignominies !

C’est là, c’est là ! Le déshonneur, la turpitude, la honte et l’opprobre 

sont là ! O histoire ! un fer rouge sur toutes ces faces ! C’est là qu’on s’amuse et qu’on ripaille, et qu’on se gave, et qu’on se moque de la France ! C’est là qu’on empoche péle-méle avec de grands éclats de rire les millions de louis et les millions de votes ! Voyez-les, regardez-les, ils ont traité la loi comme une fille, ils sont contents ! Le droit est égorgé, la liberté est bâillonnée, le drapeau est déshonoré, le peuple est sous leurs pieds, ils sont heureux ! Et qui sont-ils ? Quels sont ces hommes ? L’Europe ne le sait pas. On les a vus un beau matin sortir d’un crime. Rien de plus. Un tas de drôles qui ont eu beau devenir célèbres et qui sont restés anonymes ! Tenez, ils sont tous là, voyez-les, vous dis-je, regardez-les, vous dis-je, reconnaissez-les, si vous pouvez. De quel sexe sont-ils ? A quelle espèce appartiennent-ils ? Qu’est celui-ci ? C’est un écrivain ? Non, c’est un chien. Il mâche de la chair humaine. Et celui-là ? Est-ce un chien ? Non, c’est un courtisan. 11 a du sang à la patte.

Hommes nouveaux, c’est ainsi qu’ils s’appellent. Nouveaux, en effet ! Inattendus, étranges, inouïs, monstrueux ! Le parjure, l’iniquité, le vol,