Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome II.djvu/83

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Nous ne voyons clairement que notre devoir ; pour tout le reste, nuit noire. Nous supposons tout, nous ignorons tout. Nous livrons une bataille aveugle ! Frappons tous les coups qu’on peut frapper, allons droit devant nous au hasard, ruons-nous sur le péril ! et ayons foi, car puisque nous sommes la justice et la loi, Dieu doit être dans cette ombre avec nous. Acceptons cette superbe et sinistre aventure du droit désarmé et combattant.

Le constituant Leblond et le délégué King, consultés par le comité, se rallièrent à mon avis. Le comité décida que les associations seraient invitées, en notre nom, par leur délégué, à descendre immédiatement dans la rue et à faire donner toutes leurs forces. – Mais nous ne gardons rien pour demain, objecta un membre du comité. Quel auxiliaire aurons-nous demain ? – La victoire, dit Jules Favre. – Carnot et Michel (de Bourges) firent remarquer qu’il serait utile que les membres des associations qui faisaient partie de la garde nationale se revêtissent de leurs uniformes. Cela fut convenu ainsi.

Le délégué King se leva. – Citoyens représentants, nous dit-il, les ordres vont être immédiatement transmis, nos amis sont prêts, dans quelques heures ils se rallieront. Cette nuit, les barricades et le combat !

Je lui demandai : – Vous serait-il utile qu’un représentant, membre du comité, fût cette nuit, en écharpe, au milieu de vous ?

— Sans doute, me répondit-il.

— Eh bien, repris-je, me voici ! Prenez-moi.

— Nous irons tous, s’écria Jules Favre.

Le délégué fit observer qu’il suffirait que l’un de nous se trouvât là, au moment où les associations descendraient, et qu’il ferait ensuite avertir les autres membres du comité de le venir rejoindre. Il fut entendu que lorsque les lieux de rendez-vous et les points de ralliement seraient fixés, il m’enverrait quelqu’un pour m’en faire part et me conduire où seraient les associations. – Avant une heure, vous aurez de mes nouvelles, me dit-il en nous quittant.

Comme les délégués partaient, Mathieu (de la Drôme) arriva. En entrant il s’arrêta sur le seuil de la porte, il était pâle, il nous cria : – Vous n’êtes plus à Paris, vous n’êtes plus sous une république ; vous êtes à Naples et chez le roi Bomba.

Il arrivait des boulevards.

Plus tard j’ai revu Mathieu (de la Drôme) ; je lui ai dit :

— Mieux que Bomba, Satan.