Sanson. Les rois de Perse, comprenant le pontificat du coupe-tête, font du bourreau le premier fonctionnaire de leur royaume. Joseph de Maistre, non moins intelligent, sacre et couronne le bourreau. Il écrit un livre dont le pape est la surface et le bourreau le fond. La veste de l’exécuteur a pour doublure la pourpre du droit divin. Cette logique révèle un homme farouche, mais sincère. De Maistre est féroce avec foi. Faire un livre exprès, pour mettre le bourreau dedans, l’idée est lugubre. Ce sombre livre est au sommet de la théocratie. Il y a à Glaris, en Suisse, une colline en haut de laquelle, de tous les points de l’horizon, on aperçoit une maison étroite, petite, sans fenêtres, avec une porte basse toujours fermée.
C’est là qu’est déposée, dans les ténèbres, la hache.
Cette maison sinistre où est le droit divin, c’est le livre de Joseph de Maistre.
Quant au droit divin en lui-même, il est ébréché, usé, émoussé, rongé de rouille dans la nuit.
Il est délabré. Est-il anéanti ? non.
Le roi selon le passé n’existe plus en Europe, grâce à 1789. Pourtant si le fait s’est atténué, la tradition résiste, et la doctrine persiste. Le roi « par la grâce de Dieu » est dogme ; il est plus que prince, il est principe. De là une imperturbabilité farouche. De là des réveils ; de là des réapparitions lugubres. A l’heure où nous écrivons, le droit divin fait des siennes en Pologne. L’autocrate est chef de famille. C’est comme père que le czar torture ce peuple.
Le czar est Dieu, et Mouravieff est son prophète.
Nous distinguons entre l’ennemi du quart d’heure et l’ennemi des siècles. Le droit divin est l’ennemi des siècles. Il y a de la permanence dans sa prétention. Il s’allonge derrière nous en tradition et devant nous en hérédité. Deux queues à l’hydre. Il pèse depuis quatre mille ans sur le genre humain. Il est vieux comme l’idole. Baal était soleil comme . Louis XIV.
Ne nous lassons point de le répéter, le passé n’est pas assez passé. Il importe de le reconduire à sa tombe. Il en sort par moments, et il se dresse tout debout, ayant à la main on ne sait quelle hideuse revendication de l’avenir. Ce cadavre crie : Aujourd’hui et demain sont à moi. Il monte en chaire et enseigne nos enfants. C’est lui qui, au sortir du collège, leur fait passer leur examen. Théocratie, oligarchie, monarchie à Sainte-Ampoule, défions-nous de ces choses mortes ! elles reviennent. Elles vivent de la vie terrible des spectres.
Rendons justice à Napoléon ; il fut subversif. Personne n’a rudoyé le droit divin comme lui. Sous ce rapport il n’a point nui à 89. C’est lui qui a disloqué le vieux continent monarchique. Il a fait en Europe du progrès avec