On a souvent dit et répété que l’humanité tourne dans un cercle. Erreur. L’humanité tourne en effet, mais non dans un cercle j elle tourne dans une spirale. Chaque siècle est une volute de cette spirale sans fin qui va toujours s’élargissant. Dans cette évolution mystérieuse, chaque époque nouvelle repasse où les autres époques ont déjà passé, mais à une certaine distance. De là vient que l’humanité revoit quelquefois les mêmes choses sans revenir jamais au même point.
Un siècle comme un fleuve a son lit dans lequel Dieu veut qu’il coule et suivant lequel doivent fatalement se diriger, à peine de se perdre en marais stagnants ou en eaux croupissantes, tous ses flots, c’est-à-dire, tous ses hommes, tous ses événements, toutes ses idées. — Le lit du dix-neuvième siècle c’est l’esprit de liberté.
Un des signes auxquels on reconnaît qu’une nation est devenue souveraine, c’est quand les autres peuples se tournent vers elle, et de gré ou de force, à leur insu ou malgré eux, par instinct, par volonté ou par hasard, y aboutissent. Tout vient à qui est grand. Dès qu’une nation se fait reine, elle pénètre de la vie qui lui est propre les autres nations, elle donne la clarté aux grandes, la loi aux petites, l’impulsion à toutes. Tout ce qui naît, même hors d’elle, naît en elle, par la pensée, sinon par le lieu, par la destinée, sinon par le sang. Les nations voisines, les petits états surtout, viennent comme des affluents se perdre dans ce puissant fleuve d’idées et de faits, et le grossir. De là ces inondations de grands peuples qui renversent de temps en temps les frontières matérielles des empires, mais qui en créent les vraies frontières morales et qui fécondent la civilisation.
Quand Rome domine, Lucain naît en Espagne, et naît romain. Quand l’Espagne, Christophe Colomb, Spinola, génois.
Maintenant, c’est la France : Reine par les idées, reine par les armes. Tout est français. Genève engendre un grand écrivain, c’est un écrivain français ; la Corse enfante un grand capitaine, c’est un capitaine français.
Voici la définition de l’ordre dans sa haute et complète acception :
L’ordre est l’entier développement des facultés de chacun selon le diamètre que la nature et la providence lui ont donné.