Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/644

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


On voyait dans les cieux, avec leurs larges ombres,
Monter comme des caps ces édifices sombres,
Immense entassement de ténèbres voilé !
Le ciel à l’horizon scintillait étoilé,
Et, sous les mille arceaux du vaste promontoire,
Brillait comme à travers une dentelle noire.

Ah ! villes de l’enfer, folles dans leurs désirs !
Là, chaque heure inventait de monstrueux plaisirs,
Chaque toit recélait quelque mystère immonde,
Et, comme un double ulcère, elles souillaient le monde.

Tout dormait cependant ; au front des deux cités,
À peine encor glissaient quelques pâles clartés,
Lampes de la débauche, en naissant disparues,
Derniers feux des festins oubliés dans les rues.
De grands angles de murs, par la lune blanchis,
Coupaient l’ombre, ou tremblaient dans une eau réfléchis.
Peut-être on entendait vaguement dans les plaines
S’étouffer des baisers, se mêler des haleines,
Et les deux villes sœurs, lasses des feux du jour,
Murmurer mollement d’une étreinte d’amour ;
Et le vent, soupirant sous le frais sycomore,
Allait tout parfumé de Sodome à Gomorrhe.

C’est alors que passa le nuage noirci,
Et que la voix d’en haut lui cria : — C’est ici !

VIII

Le nuage éclate !
La flamme écarlate
Déchire ses flancs,
L’ouvre comme un gouffre,
Tombe en flots de soufre