Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/716

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Elle eût fait, en berçant ton sommeil de ses chants,
Pour chasser de ton front les moucherons méchants,

Un éventail de feuilles vertes.


Mais tu pars ! — Nuit et jour, tu vas seul et jaloux.
Le fer de ton cheval arrache aux durs cailloux

Une poussière d’étincelles ;

À ta lance qui passe et dans l’ombre reluit,
Les aveugles démons qui volent dans la nuit

Souvent ont déchiré leurs ailes.


Si tu reviens, gravis, pour trouver ce hameau,
Ce mont noir qui de loin semble un dos de chameau ;

Pour trouver ma hutte fidèle,

Songe à son toit aigu comme une ruche à miel,
Qu’elle n’a qu’une porte, et qu’elle s’ouvre au ciel

Du côté d’où vient l’hirondelle.


Si tu ne reviens pas, songe un peu quelquefois
Aux filles du désert, sœurs à la douce voix,

Qui dansent pieds nus sur la dune ;

Ô beau jeune homme blanc, bel oiseau passager,
Souviens-toi, car peut-être, ô rapide étranger,

Ton souvenir reste à plus d’une !


Adieu donc ! — Va tout droit. Garde-toi du soleil
Qui dore nos fronts bruns, mais brûle un teint vermeil ;

De l’Arabie infranchissable ;

De la vieille qui va seule et d’un pas tremblant ;
Et de ceux qui le soir, avec un bâton blanc,

Tracent des cercles sur le sable !


24 novembre 1828.