Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/295

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on rêve au bruit sourd d’une mer écumante,
La grande âme d’airain qui là-haut se lamente !


                          V

Hymne de la nature et de l’humanité !
Hymne par tout écho sans cesse répété !
Grave, inouï, joyeux, désespéré, sublime !
Hymne qui des hauts lieux ruisselle dans J’abîme,
Et qui, des profondeurs du gouffre harmonieux,
Comme une onde en brouillard, remonte dans les cieux !
Cantique qu’on entend sur les monts, dans les plaines,
Passer, chanter, pleurer par toutes les haleines,
Écumer dans le fleuve et frémir dans les bois,
A l’heure où nous voyons s’allumer à la fois,
Au bord du ravin sombre, au fond du ciel bleuâtre,
L’étoile du berger avec le feu du pâtre !
Hymne qui le matin s’évapore des eaux,
Et qui le soir s’endort dans le nid des oiseaux !
Verbe que dit la cloche aux cloches ébranlées,
Et que l’âme redit aux âmes consolées !
Psaume immense et sans fin que ne traduiraient pas
Tous les mots fourmillants des langues d’ici-bas,
Et qu’exprime en entier dans un seul mot suprême
Celui qui dit : je prie, et celui qui dit : j’aime !
Et ce psaume éclatant, cet hymne aux chants vainqueurs
Qui tinte dans les airs moins haut que dans les cœurs,
Pour sortir plus à flots de leurs gouffres sonores,
De l’âme et de la cloche ouvrira tous les pores.
Toutes deux le diront d’une ineffable voix,
Pure comme le bruit des sources dans les bois,
Chaste comme un soupir de l’amour qui s’ignore,
Vierge comme le chant que chante chaque aurore.
Alors tout parlera dans les deux instruments