Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/374

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Les mendiants groupés dans l’ombre des portiques
Ont moins de haine au cœur et moins de flamme aux yeux.

L’austère vérité n’a plus de portes closes.
Tout verbe est déchiffré. Notre esprit éperdu,
Chaque jour, en lisant dans le livre des choses,
Découvre à l’univers un sens inattendu.

O poëtes ! le fer et la vapeur ardente
Effacent de la terre, à l’heure où vous rêvez,
L’antique pesanteur, à tout objet pendante,
Qui sous ses lourds essieux broyait les durs pavés.

L’homme se fait servir par l’aveugle matière.
Il pense, il cherche, il crée ! A son souffle vivant
Les germes dispersés dans la nature entière
Tremblent comme frissonne une forêt au vent !

Oui, tout va, tout s’accroît. Les heures fugitives
Laissent toutes leur trace. Un grand siècle a surgi.
Et, contemplant de loin de lumineuses rives,
L’homme voit son destin comme un fleuve élargi.

Mais parmi ces progrès dont notre âge se vante,
Dans tout ce grand éclat d’un siècle éblouissant,
Une chose, ô Jésus, en secret m’épouvante,
C’est l’écho de ta voix qui va s’affaiblissant


          15 avril 1837