Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/386

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Et que, l’empereur mort comme les vieux Capets,
On a tort d’exiler, lorsque rien ne bouillonne,
Eux de leur Saint-Denis et lui de sa colonne.
A quoi sert, Dieu clément, cette vaine action !
Et comment se fait-il que la proscription
Ne brise pas ses dents au marbre de la tombe ?
N’est-ce donc pas assez que, cygne, aigle ou colombe,
Dès qu’un vent de malheur lui jette un nid de rois,
Sortant de ce bois noir qu’on appelle les lois,
Cette hyène, acharnée aux grandes races mortes,
Vienne, là, sous nos murs, les ronger à nos portes !

Un jour, — mais nous serons couchés sous le gazon
Quand cette aube de Dieu blanchira l’horizon ! –
Un jour on comprendra, même en changeant de règne,
Qu’aucune loi ne peut, sans que l’équité saigne,
Faire expier à tous ce qu’a commis un seul,
Et faire boire au fils ce qu’a versé l’aïeul.
On fera ce que nul aujourd’hui ne peut faire.
Quand un aiglon royal tombera de sa sphère,
On ne l’abattra pas sur l’aigle foudroyé.
Et, tout en gardant bien le droit qu’il a payé
De mettre le pouvoir sur un front comme un signe
Et de donner le trône et le Louvre au plus digne,
Un grand peuple pourra, sans être épouvanté,
Voir un enfant de plus jouer dans la cité.
Car tous les cœurs diront : C’est une juste aumône
De laisser la patrie à qui n’a plus le trône !
Alors, jetant enfin l’ancre dans un port sûr,
Ayant les biens germés sur nos maux, et l’azur
Du ciel nouveau dont Dieu nous donne la tempête,
Proscription ! nos fils broieront du pied ta tête !
Démon qui tiens du tigre et qui tiens du serpent !
Dans les prospérités invisible et rampant,
Qui, lâche et patient, épiant en silence
Ce que dans son palais le roi dit, rêve, ou pense,